De notre correspondante
«L'ETUDE concernant la détection assistée par ordinateur (DAO) dans le dépistage du sein, la plus vaste à ce jour… surprendra et décevra la plupart des radiologues», admet le Dr Ferris Hall (Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston) dans un éditorial publié dans le « New England Journal of Medicine ».
La détection assistée par ordinateur a été mise au point pour aider le radiologue dans l'interprétation des mammographies.
Le radiologue lit la mammographie (standard ou digitale) comme d'habitude. Puis l'appareil détecteur digitalise les films et, grâce à un logiciel dédié à cet usage, pose des marqueurs sur les zones suspectes qui méritent d'être revues par le radiologue. Lequel lit la mammographie une seconde fois et confirme ou non l'existence d'un cancer du sein. La DAO ne remplace donc pas le radiologue, mais l'aide dans son travail, surtout dans le repérage des faux négatifs (tumeurs non repérées à la première lecture).
Les résultats prometteurs des études précoces ont conduit à l'approbation de cette technique par la FDA en 1998. Ces études montraient qu'elle était associée à une augmentation de 10 à 15 % du nombre de diagnostics de cancer du sein, avec un coût supplémentaire estimé à seulement 5 000 dollars par année de vie sauvée.
Si les mêmes résultats sont également obtenus lorsqu'un second radiologue relit la mammographie, la double lecture (courante en Europe) est difficile à introduire aux Etats-Unis à caude du manque de personnel.
Depuis 1998, la détection assistée par ordinateur s'est donc rapidement répandue aux Etats-Unis, alors que son influence sur la qualité de l'interprétation restait incertaine.
Quatre années d'observation.
L'étude de Fenton et coll., publiée dans le « New England Journal of Medicine », porte sur plus de 429 000 mammographies de dépistage effectuées aux Etats-Unis entre 1998 et 2002 et 2 351 cas de cancers qui ont été détectés (dans l'année du dépistage) dans 43 services du consortium de surveillance du cancer du sein.
Pendant les quatre années d'observation, 7 des 43 services (16 %) ont adopté la détection assistée par ordinateur, ce qui permet de comparer la performance de la mammographie dans ces services avant et après l'introduction de la technique. Les autres services ont été utilisés comme témoins.
Les résultats sont décevants : la spécificité du diagnostic a baissé (de 90,2 % avant l'introduction à 87,2 % après) ; la valeur prédictive positive a baissé (de 4,1 à 3,2 %), tandis que le taux de biopsies s'est accru de 19,7 %. En revanche, l'augmentation de la sensibilité, qui est passée de 80,4 % avant l'introduction à 84 % après, n'est pas significative. Et le taux de détection du cancer du sein (invasif et cancer canalaire in situ) ne s'est pas modifié significativement non plus (4,15 cas pour 1 000 mammographies de dépistage avant introduction à 4,20 cas après introduction). Enfin, l'analyse des données de l'ensemble des 43 services montre que l'usage de la DAO est associé à une justesse d'interprétation significativement plus faible.
«Nos résultats suggèrent qu'environ 157femmes devraient être revues (et 15 femmes subiraient une biopsie) du fait de l'emploi de la détection assistée par ordinateur pour dépister un cas supplémentaire de cancer du sein, éventuellement un cancer canalaire in situ », notent les investigateurs.
Ainsi, selon leurs calculs, l'emploi systématique de la DAO aux Etats-Unis augmenterait les coûts annuels de la mammographie de dépistage d'environ 18 % (550 millions de dollars).
Une faille de l'étude.
Comme le note le Dr Hall dans son éditorial, une possible faille de l'étude est qu'elle n'a pas pris en compte le temps qu'il faut pour s'adapter à la DAO (plusieurs semaines à quelques années). «Puisque, remarque-t-il, la DAO est plus sensible pour détecter les microcalcifications que pour détecter les masses, il n'est pas surprenant que son usage soit associé de manière disproportionnée à la détection du carcinome canalaire in situ. » Or la détection de ce cancer «pourrait ne pas se traduire par une baisse considérable de la mortalité par cancer».
« New England Journal of Medicine », 5 avril 2007, Fenton et coll., pp. 1399 et 1464.
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