DE TOUS les vertébrés, c'est le chien qui possède la plus grande diversité de taille : le résultat des sélections opérées par l'homme quand le chien domestique, issu du loup gris, est apparu il y a environ quinze mille ans.
Revenons en 1986 : cette année-là, Gordon Lark, qui travaille sur la génétique du haricot, adopte une chienne perdue, qu'il appelle Georgie. Plus tard, il apprend que Georgie est un chien d'eau portugais. Plus tard encore, en 1996, Georgie meurt d'une anémie auto-immune. Lark cherche à la remplacer et, pour cela, contacte Karen Miller, une éleveuse de l'Etat de New York. Il mentionne qu'il fait de la génétique du haricot, mais Karen Miller n'entend – ou ne veut entendre – que le mot « génétique ». Elle se met à harceler Lark sur l'étude de la génétique des chiens. Elle lui vend – très cher – un chien d'eau portugais, Mopsa. Dans les trois mois qui suivent, elle lui envoie pas moins de 5 000 pedigrees. A l'université de l'Utah, Lark a un collègue biologiste du nom de Kevin Chase. Lark et Chase réalisent que les chiens d'eau portugais sont idéaux pour les études génétiques car ils descendent d'un très petit nombre d'ancêtres fondateurs. D'autant que cette race comporte des petits, des moyens et des grands chiens (fourchette de 25 à 75 livres). Alors, il recrutent des propriétaires de chiens d'eau portugais pour recueillir des échantillons d'ADN. C'est ainsi qu'est né le projet Georgie.
Les chercheurs découvrent sur le chromosome 15 un trait qui est fortement corrélé à la taille des chiens d'eau portugais. Au niveau de ce locus, le gène IGF1, au sein d'une centaine d'autres.
Du chihuahua au lévrier d'Irlande.
Alors, Lark et Chase, en grands voyageurs au royaume des chiens, poursuivent leurs travaux, collectant l'ADN d'abord de 526 chiens provenant de 14 petites races et de 9 races géantes, puis de 3 241 chiens de 143 origines : des petits comme le bichon frisé, le chihuahua, le maltais, le loulou de Poméranie, le caniche nain, le pékinois ; et des gros comme le saint-bernard, le terre-neuve, le mastiff, le danois et le lévrier d'Irlande. Sans oublier le caniche standard. Le résultat est sans appel : tous les chiens de moins de 20 livres possèdent le variant génétique au niveau de l'IGF1.
«En comprenant comment des gènes contrôlent la taille des chiens, nous sommes capables d'apprendre comment la taille du squelette est génétiquement programmée chez l'homme. Nous pourrons aussi accroître nos données concernant les gènes susceptibles de jouer un rôle dans des maladies comme le cancer, dans lesquels la régulation de la croissance cellulaire a été perdue», explique l'une des auteurs, Elaine Ostrander, qui rappelle que le rôle de la famille du gène de l'IGF1 a déjà été établi dans la susceptibilité au cancer prostatique.
Sutter N et coll. « Science » du 6 avril 2007.
P'tit loup ?
D'où vient cette instruction génétique conférant à autant de chiens leur petite taille ? Deux hypothèses sont avancées par Lark. Soit un petit loup ne pouvait pas survivre dans la nature, mais le pouvait en compagnie des hommes. Soit l'homme voulait domestiquer un loup mais, dans des logements confinés des cités, ne voulait pas d'une grosse bête.
«Tous les gens traitent leur chien comme un bébé; il n'est donc pas surprenant qu'ils sélectionnent de petits chiens», estime Chase, qui possède lui-même deux chiens de 2 kg, croisés de maltais et de caniche nain. «Les petits chiens ne sont pas particulièrement fonctionnels. Ils ne chassent pas avec vous, ne protègent pas votre maison, ne tirent pas de charrette. Ils sont juste petits et gentils.»
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