LES PROGRÈS des thérapeutiques anticancéreuses ont permis l'amélioration du pronostic et du taux de survie des patientes. Cependant, ces traitements ont des effets secondaires à long terme, notamment sur la fertilité.
Depuis quelques années, la congélation ovocytaire, en vue de préserver la fertilité (encadrée par la loi du 6 août 2004), est de plus en plus proposée aux patientes atteintes d'hémopathie maligne ou de tumeur solide qui doivent être traitées par chimiothérapie et/ou radiothérapie.
«Les indications dépendent essentiellement des traitements et non des pathologies. Il existe trois situations principales où le risque de stérilité est certain: les chimiothérapies comportant des agents alkylants à fortes doses (busulfan, cyclophosphamide), l'irradiation corporelle totale ou pelvienne, les ovariectomies bilatérales ou unilatérales sur ovaire restant auxquelles on peut associer les patientes à risque de ménopause précoce», précise le Dr Catherine Poirot (UF de biologie de la reproduction, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris).
En pratique, l'indication de congélation de tissu ovarien est posée de façon collégiale entre le cancérologue et/ou le radiothérapeute, le médecin de la reproduction, le chirurgien, l'anesthésiste ou toute autre personne pouvant aider à la décision.
La technique est alors proposée à la patiente ou à ses parents. Si, après voir reçu une information claire et exhaustive, ils acceptent, un consentement doit être signé.
Le prélèvement de tissu ovarien.
Les patientes susceptibles de bénéficier d'une congélation ovocytaire sont en attente d'un traitement anticancéreux, elles doivent donc être prises en charge au plus tôt.
Le prélèvement de tissu ovarien, réalisé rapidement, se fait par coelioscopie ou laparotomie. La coeliocopie est la voie chirurgicale privilégiée lorsque l'intervention est programmée dans le seul objectif de prélever un ovaire en vue de conservation. Mais le prélèvement ovarien peut également être réalisé au cours d'un geste chirurgical à visée thérapeutique, comme la résection d'une tumeur résiduelle.
Dès son prélèvement, le tissu ovarien est acheminé rapidement dans un milieu de transport à température de la glace, jusqu'au laboratoire assurant sa préparation, la congélation proprement dite.
Un examen anatomopathologique est réalisé sur la médullaire et un fragment de cortex, pour faire un comptage des follicules et détecter une éventuelle localisation secondaire de la pathologie.
Bien que de nombreux progrès aient été réalisés et publiés ces derniers mois, des incertitudes persistent en ce qui concerne les utilisations du cortex ovarien congelé.
Il est possible d'envisager la greffe de fragments ovariens congelés et décongelés. Cette technique permet de restituer une sécrétion hormonale endogène en plus de la fertilité. Dans l'espèce humaine, la première greffe de cortex ovarien a été publiée en 2000 par Oktay. De 2000 à 2006, douze publications ont fait état de 14 autogreffes de cortex ovarien préalablement congelé (3 greffes hétérotopiques, 7 greffes orthotopiques, 4 greffes ortho- et hétérotopiques). Sur 9 greffes destinées à restaurer la fertilité des patientes, 4 grossesses ont été obtenues et deux enfants sont nés.
En 2004, la première naissance après autogreffe de cortex ovarien a été celle d'une petite fille de 3 720 g obtenue par J. Donnez en Belgique (1). En 2005, D. Meirow annonçait une deuxième naissance (2).
Cependant, l'autogreffe de tissu ovarien soulève différentes questions (localisation de la greffe orthotopique, hétérotopique ou ortho-hétérotopique, vascularisation et survie des greffons…) dont celle de son innocuité.
En effet, le risque majeur de la greffe de fragments ovariens est une reprise de la maladie initiale à partir de cellules cancéreuses restées actives dans le tissu ovarien congelé.
De ce fait, cette solution ne pourra être envisagée pour toutes les patientes, d'où l'intérêt de développer d'autres méthodes d'utilisation comme la croissance folliculaire in vitro, explique le Dr Catherine Poirot.
Cette approche, évaluée chez l'animal, consiste à effectuer une maturation folliculaire et ovocytaire in vitro pour obtenir des ovocytes matures capables d'être fécondés et d'être à l'origine d'un développement embryonnaire complet. Chez l'humain, la culture de tous les stades folliculaires est possible in vitro, mais la culture du follicule du stade primordial jusqu'au stade préovulaire n'a jamais été réalisée. Le développement in vitro de follicules primordiaux humains est encore expérimental.
Collège de gynécologie médicale de Paris, Ile-de-France, 14e Journée scientifique.
(1) J. Donnez et al., « The Lancet », 2004 ; 364-1405.
(2) D. Meirow et al., « New England Journal of Medicine », 2005 ; 353-318.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature