ON LES IMAGINE jeunes, en pleine forme et sans facteurs de risque cardio-vasculaire. Pourtant, une étude publiée dans le « New England Journal of Medicine » tend à prouver que, chaque année, 100 des 100 000 soldats du feu nord-américains meurent d'infarctus du myocarde au cours de leur travail. Est-ce en rapport avec d'éventuelles intoxications chimiques, avec un travail dans des conditions de chaleur extrême ou de stress intense ? Il faut, bien sûr, prendre ces éléments en compte, mais ce taux élevé d'accidents cardio-vasculaires semble plus simplement en rapport avec le fait que 70 % des pompiers des Etats-Unis sont des volontaires et que leur profil est semblable à celui de la population générale.
Leur capacité à l'effort est réduite.
Les jeunes engagés sont généralement en très bonne forme physique, ils pratiquent régulièrement des exercices visant à maintenir leurs capacités musculaires dans le cadre de programmes adaptés et ils bénéficient de consultations médicales régulières. A l'inverse, les volontaires sont en moyenne plus âgés, ils sont plus souvent obèses ou en surpoids et leur capacité à l'effort est réduite. Pourtant, tous, du fait de leur métier, vont être confrontés à des exercices physiques particulièrement intenses. Notamment lorsqu'ils sont amenés à lutter contre un feu, arnachés d'une tenue de protection très encombrante et coiffés d'un casque. Dans ces conditions, on conçoit que, dans certaines études, près de 70 % des décès par accident cardio-vasculaire concernent des pompiers volontaires qui vivent dans de petites villes et qui n'effectuent ce type d'exercice physique que pendant 1 % de leur temps de travail en moyenne. Pour contribuer à la mise en place des programmes de remise en forme spécifiques adaptés aux différentes catégories de pompiers, l'équipe du Dr Stefanos Kales (Harvard) a procédé à une analyse des décès des soldats du feu survenus entre 1994 et 2004 dans 17 grandes métropoles nord-américaines. Les auteurs ont choisi de colliger les données sur les décès survenus au cours du travail et dans les 24 heures suivant les périodes de garde. Ils ont exclu l'ensemble des décès survenus entre le 11 et le 13 septembre 2001.
Au total, 45 % d'entre eux étaient en rapport avec une maladie cardio-vasculaire, alors que seulement 22 % des policiers, 11 % des urgentistes et 15 % de la population générale décèdent au cours de leur travail d'un problème cardiaque.
Risque cardio-vasculaire majoré d'un facteur 12 à 136.
Sur les 449 décès d'origine cardiaque retenus par les auteurs, 32,1 % sont survenus au cours de lutte contre un incendie, 13,4 % au cours du trajet aller vers le lieu d'un sinistre, 17,4 % sur le trajet retour, 12,5 % au cours d'un exercice physique d'entraînement, 9,4 % lors d'un transport de patient et 15,4 % à la caserne.
Globalement, le risque de décès par accident cardio-vasculaire était majoré d'un facteur 12 à 136 en période de lutte contre les incendies, alors que les pompiers n'y consacrent généralement que de 1 à 5 % de leur temps de travail.
Dans deux casernes sur trois, aucun programme d'exercice ni de suivi médical n'est proposé aux pompiers. C'est peut-être ce qui pourrait expliquer que le nombre des personnes présentant des facteurs de risque (tabagisme, hypertension, artérite des membres inférieurs et accident vasculaire transitoire) est plus important chez les pompiers que chez les policiers ou les urgentistes. Un quart des pompiers décédés d'accident cardio-vasculaire était concerné par au moins un des facteurs de risque reconnus de maladie cardiaque.
L'analyse des taux de décès en fonction de l'âge confirme que le risque est majoré chez les pompiers de plus de 50 ans et surtout chez ceux de plus de 60 ans. Pour les plus jeunes, l'incidence annuelle des décès par million de pompiers est de 2 pour les 20-39 ans, de 35 pour les 50-59 ans et de 58 pour les plus de 60 ans.
La répartition nycthémérale des décès, qui surviennent dans 70 % des cas entre midi et minuit, semble aller dans le sens de la théorie développée par le Dr Kales, puisqu'elle correspond aux heures où les pompiers sont le plus souvent appelés à lutter contre le feu.
« New England Journal of Medicine », vol. 356 ; 12, pp. 1207-1215 et 1261-1263, 22 mars 2007.
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