Alimentation et acné

Le lait en ligne de mire

Publié le 21/03/2007
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DEPUIS plus de trente ans, le manque de preuves scientifiques reliant les habitudes alimentaires et le développement de l'acné a été à juste titre l'argument majeur des dermatologues pour expliquer à leurs patients que la nourriture n'était absolument pas en cause dans la survenue ou la sévérité de cette affection. Pourtant, de récentes études indiquent le contraire. Et si, au grand dam de certains parents, la charcuterie, le chocolat et autres pizzas restent pour l'instant hors de cause, c'est le lait qui est aujourd'hui désigné comme étant l'un des responsables de l'acné. Cette conclusion, fruit des résultats de deux études menées par une même équipe de l'Ecole de santé publique de Harvard, permet des avancées dans la compréhension des mécanismes de survenue de l'acné.

Une maladie occidentale.

Dans les pays occidentaux, l'acné affecte des individus de tous âges, mais la prévalence maximale est atteinte chez les adolescents de 16-18 ans avec un pourcentage de 75 à 98 % pour ce groupe d'âge. Bien que, dans la littérature traitant du sujet, le régime alimentaire ait été longtemps écarté comme pouvant avoir une relation avec cette affection, le Pr Jean Revuz rappelle que, «dans le même temps, certaines constatations liées à des différences environnementales (ville/campagne) ou économiques forçaient à se poser des questions quant à la possible intervention de l'alimentation dans les problèmes d'acné». Une étude épidémiologique parue en 2002 a ouvert la voie en mettant en évidence une différence majeure entre les taux d'incidence de l'acné dans des populations dites développées et dans deux sociétés en marge des modes de vie occidentaux, telles que les Kitavan de Papouasie Nouvelle-Guinée et les chasseurs-cueilleurs Aché du Paraguay qui ne sont quasiment jamais atteints d'acné. Les conclusions des chercheurs penchèrent alors vers l'impossibilité d'une seule explication génétique du phénomène et sur l'implication certaine de facteurs environnementaux. Mais l'alimentation était-elle l'un d'entre eux ?

Une vaste étude portant sur plus de 47 000 infirmières, menée par une équipe de nutritionnistes et d'épidémiologistes de l'Ecole de santé publique de Harvard, a récemment rouvert le dossier des liens entre alimentation et acné. En interpolant le questionnaire sur le régime alimentaire durant leurs années de collège et sur les données fournies par les praticien, une association positive entre la consommation de lait écrémé et la prévalence d'acné sévère a été mise en évidence. Peu de temps après, la même équipe a entrepris d'analyser les données d'une étude prospective sur la jeunesse américaine afin d'évaluer les éventuelles corrélations entre le régime alimentaire et la fréquence de l'acné chez les filles. Les plus de 6 000 participantes âgées de 9 à 15 ans en 1996 n'étaient autres que les filles des infirmières faisant partie de la cohorte de l'étude précédente. Les résultats, une fois encore, ont montré une corrélation directe entre la consommation de lait, surtout écrémé, et le développement de l'acné sévère.

Les conclusions de l'étude montrent en outre que les résultats ne différent guère en fonction de l'indice de masse corporelle ou lorsque que l'on exclut les sujets prenant une contraception orale. Reste à savoir quels mécanismes opèrent pour que le lait ingéré intervienne ainsi dans le développement de l'acné.

La piste hormonale.

Il est aujourd'hui admis que l'acné est étroitement liée à l'activité hormonale. D'autre part les liens biochimiques entre les hormones, l'activité des glandes pilosébacées et l'acné sont corroborés de façon de plus en plus précise chaque année. Dès lors, qu'arriverait-il si des hormones exogènes étaient ajoutées à la charge endogène normale ? Considérant les résultats des études mentionnées plus haut et les attendus de cette question, les chercheurs rappellent fort à propos que la quasi-totalité du lait consommé via la grande distribution est issu de vaches gravides. La composition de ce lait est très complexe et il contient notamment des substances telles que la progestérone dérivée du placenta ainsi que des précurseurs de la dihydrotestostérone (DHT). D'autres hormones autres que les stéroïdes présents dans le lait pourraient également favoriser l'acné. C'est notamment le cas d'une substance sur laquelle pèse aujourd'hui les plus fortes présomptions : l'Insulin-like Growth Factor I (IGF-1). Ainsi, comme le souligne le Pr J Revuz : «il est désormais très intéressant de reposer à nos patients atteints d'acné la question du régime alimentaire que nous éludions systématiquement auparavant. Même si, pour les frites, les pizzas et autres produits gras, nous avions totalement raison!»

* Hôpital Henri-Mondor à Créteil, vice-président de la commission de cosmétologie de l'Afssaps.

> BENOIT THELLIEZ

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8131