DE NOTRE CORRESPONDANTE
«NOS RÉSULTATS suggèrent que si l'on favorise l'inflammation du tissu cancéreux, par exemple en effectuant des biopsies de la prostate, on pourrait hâter la progression de la métastase», fait remarquer dans un communiqué le Pr Michael Karin, professeur de pharmacologie au laboratoire de régulation génique et de transduction du signal à l'université de San Diego.
Interrogé par « le Quotidien » sur les implications cliniques de ces résultats, le Pr Karin explique que «la compréhension du processus métastatique dans le cancer de la prostate permettra de développer des médicaments spécifiques destinés à bloquer ce processus. Cela pourrait également nous permettre d'identifier quand et quels cancers deviendront métastatiques».
Un homme sur six recevra un diagnostic de cancer de la prostate, mais seulement un homme sur trente-trois succombera à une maladie métastatique.
Alors que le cancer encore confiné à la prostate peut être bien traité, on ne dispose d'aucun traitement efficace pour la maladie métastatique.
Il est devenu clair, ces dernières années, que l'inflammation et un microenvironnement pro-inflammatoire contribuent de façon importante et cruciale au développement de la tumeur.
La voie NF-kappa B.
En outre, on a pu préciser que l'inflammation favorise le développement de la tumeur à travers des mécanismes dépendant de la voie NF-kappa B.
Il a été proposé que l'inflammation pourrait également favoriser la progression métastatique, mais le mécanisme reliant l'inflammation et la métastase faisait encore défaut.
En utilisant un modèle murin du cancer de la prostate et en confirmant les résultats sur des échantillons humains, Karin et coll. ont identifié le chaînon manquant.
L'activation IKK-alpha, qui peut être obtenue par la fixation de la cytokine pro-inflammatoire RANKL sur son récepteur RANK, favorise la métastase du cancer de la prostate en inhibant la transcription du gène Maspine.
Le gène Maspine possède une activité antimétastatique bien établie dans les cancers de la prostate et du sein.
Et l'on sait que la cytokine pro-inflammatoire RANKL est produite par les cellules inflammatoires et se fixe au récepteur RANK (pour Receptor that Activates Nuclear factor Kappa-B). (Pour mémoire, elle peut favoriser la perte osseuse en activant les ostéoblastes.)
L'étude montre que, si IKK-alpha est connu pour favoriser le développement de la tumeur, son effet le plus prononcé porte sur le développement métastatique.
«Nous avons pu détecter une excellente corrélation inverse entre l'activation d'IKK-alpha et la production de Maspine, de telle façon que les cellules du cancer avancé de la prostate contiennent des taux nucléaires élevés d'IKK-alpha active et expriment peu ou pas de Maspine», note le Pr Karin.
Cette corrélation est également observée dans le cancer de la prostate de l'homme.
«Nous proposons que les cellules inflammatoires qui expriment RANKL et infiltrent les tumeurs de la prostate entraînent l'activation nucléaire d'IKK-alpha, et de ce fait l'inhibition de la transcription de Maspine, favorisant alors le phénotype métastatique», concluent les chercheurs.
Un promoteur général du comportement métastatique.
Ces résultats, notent-ils, suggèrent que RANK pourrait être un promoteur général du comportement métastatique dans les cellules du cancer de la prostate et peut-être aussi dans celles du cancer du sein.
Cet éclaircissement ouvre des voies thérapeutiques.
L'interférence avec la production du ligand RANK (RANKL) ainsi que l'interférence avec l'activation d'IKK-alpha pourraient constituer de nouvelles stratégies visant à prévenir la maladie métastatique.
«Nos prochains objectifs seront de savoir si RANKL est effectivement coupable et par quel mécanisme la protéine Maspine exerce son activité antimétastatique», confie au « Quotidien » le Pr Karin.
« Nature », 19 mars 2007, Luo et coll., DOI : 10.1038/nature05656.
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