MÊME SI une étude sur la supplémentation en zinc, destinée à diminuer la mortalité infantile, montre un résultat presque nul, elle n'en demeure pas moins riche d'enseignements. Sunil Sazawa (Baltimore, Etats-Unis) et coll. sont partis d'un fait connu : le zinc réduit la mortalité par diarrhée et par pneumonie dans les pays en développement. Mais aucune preuve n'a été apportée en ce qui concerne la mortalité due au paludisme.
C'est pourquoi une étude de population, randomisée, a été mise en place à Pemba (Zanzibar), zone infestée par le paludisme. Son objectif premier était d'évaluer la mortalité au cours d'une supplémentation par 10 mg (5 mg avant l'âge de 12 mois) de zinc, pendant, en moyenne, 484,7 jours, jusqu'à l'âge de 48 mois. Le comprimé était dissous dans du lait ou de l'eau. 21 274 enfants ont été supplémentés et 21 272, mis sous placebo, ont servi de témoins. Il faut savoir que tous les enfants de plus de 12 mois recevaient, en outre, 200 000 UI de vitamine A deux fois par an.
Réduction de 7 %, non significative.
Le taux de mortalité dans le groupe placebo a été de 15,3 pour 1 000 enfants-année à risque. Au total, la réduction de mortalité, toutes causes confondues, a été de 7 % pour les enfants sous zinc, mais ce taux est considéré comme non significatif. Pourtant, deux éléments ressortent d'une analyse plus fine. Le risque est modifié par deux variables. Tout d'abord, l'âge des participants. Alors qu'avant 12 mois le risque est chiffré à – 6 % (– 29 à 13 %), chez les enfants plus grands (de 1 à 4 ans), la réduction est de 18 % (0 à 32 %). Seconde variable, le sexe. Alors que chez les fillettes le risque est de – 5%, la réduction est de 19 % chez les garçonnets.
Des tentatives d'explication de cet « échec thérapeutique » sont fournies par les auteurs.
Ils évoquent tout d'abord la supplémentation en vitamine A, qui peut avoir agi favorablement sur la mortalité.
Ils voient ensuite des problèmes de classification entre les fièvres d'origine palustre et d'autres origines. Mais cela semble peu probable, dans la mesure où toutes les affections ont été comptabilisées.
L'absence d'activité du zinc avant 12 mois peut s'expliquer par un pool acquis in utero et maintenu par l'allaitement maternel. Dans cette population, 95 % des bébés sont allaités jusqu'à 1 an, voire plus. Chez eux, également, la supplémentation n'était que de 5 mg. Dans des études antérieures, une action avait été observée, mais avec des doses de 10 à 20 mg.
Besoins accrus chez les garçons.
Quant à la protection constatée chez les garçons, elle a déjà été relevée dans d'autres études. Il faudrait y voir la conséquence de besoins accrus chez les garçons, d'où un meilleur bénéfice de la supplémentation. Enfin, l'immunité de type Th1 protège contre les infections, alors que le type Th2 en augmente la susceptibilité. Or les études animales montrent un profil Th2 plus fort chez les femelles.
De fait, les études sur les carences en zinc montrent une baisse des produits Th1 par les cellules mononucléées (TNF alpha, interféron C et l'IL 2). Dans le même temps, les produits des cellules Th2 ne sont pas modifiés (les IL 4, 6 et 10).
Pour les auteurs, ce travail doit précéder une nouvelle étude pour savoir si des doses de zinc plus élevées n'auraient pas une activité plus favorable. Il devrait en outre favoriser la mise en place d'une métaanalyse qui permettra de fonder des recommandations.
« Lancet » vol. 369, 17 mars 2007, pp. 885-886 (éditorial) et 927-934.
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