DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE CANCER du poumon est la première cause de décès par cancer dans le monde. Sa mortalité élevée (de 80 à 85 % à cinq ans) est due en partie au manque d'outils efficaces qui permettent de diagnostiquer le cancer à un stade précoce, lorsque le traitement curatif chirurgical est encore possible. Le tabac, on le sait, constitue le principal facteur de risque, en cause dans environ 85 % des cancers du poumon.
Actuellement, lorsqu'un fumeur ou un ex-fumeur présente des symptômes ou des signes radiologiques faisant suspecter un cancer du poumon, une fibroscopie bronchique est le premier examen diagnostique effectué car elle permet d'analyser les cellules obtenues par brossage endobronchique, par lavage broncho-alvéolaire et par biopsie des zones suspectes.
Toutefois, la fibroscopie bronchique n'est pas très sensible pour détecter un cancer pulmonaire, sa sensibilité allant de 30 % pour les petites lésions périphériques à 80 % pour une maladie endobronchique centrale. Dès lors, des examens complémentaires sont bien souvent nécessaires, et le délai moyen entre les premiers symptômes et le diagnostic est de trois à sept mois, ce qui retarde souvent le traitement.
Il est clair que des méthodes permettant de diagnostiquer plus tôt le cancer seraient précieuses.
Un nouveau test développé par l'équipe du Dr Avrum Spira, chercheur à l'université médicale de Boston, semble prometteur.
Perte allélique, mutation de p53, modification de la méthylation du promoteur...
La fumée de cigarette crée un champ de lésion dans tout le conduit respiratoire, avec la présence d'altérations génétiques dans les cellules épithéliales non cancéreuses des voies aériennes supérieures (perte allélique, mutations p53, modification de la méthylation du promoteur, activité accrue de la télomérase). Le Dr Spira et ses collègues ont donc cherché à savoir si un profil d'expression génique dans ces cellules pouvait servir de biomarqueur du cancer du poumon.
«Nous avons mis au point un biomarqueur relativement non invasif dans les cellules épithéliales des voies respiratoires qui permet de bien faire la différence entre les fumeurs affectés d'un cancer du poumon et ceux qui n'ont pas de cancer du poumon», explique au « Quotidien » le Dr Spira.
«Ce test peut être utilisé chez les fumeurs ou les ex-fumeurs qui se soumettent à une fibroscopie bronchique dans le cadre d'une exploration diagnostique due à une suspicion de cancer pulmonaire. »
«La sensibilité de notre biomarqueur pour détecter le cancer du poumon au stade précoce (lorsqu'il est peut-être potentiellement guéri par l'exérèse chirurgicale) est supérieure à 90%», souligne-t-il.
Lorsque l'examen cytopathologique est combiné au biomarqueur d'expression génique, la sensibilité diagnostique de la fibroscopie bronchique est améliorée, passant de 53 à 95 %.
Les chercheurs envisagent de «valider ce biomarqueur dans une plus grande cohorte multicentrique de fumeurs présentant une suspicion de cancer du poumon». Ils évalueront notamment «son impact potentiel sur la survie du cancer pulmonaire».
«Dans sa forme actuelle, le test n'est pas un outil de dépistage, mais plutôt un outil diagnostique qui permettrait une détection plus précoce de la maladie», précise le Dr Spira.
Cependant, la notion d'une atteinte spécifiquement associée au cancer dans tout l'épithélium bronchique suggère que des altérations géniques spécifiques induites par le tabagisme pourraient précéder le développement du cancer du poumon. Si tel était le cas, les faux positifs du biomarqueur pourraient représenter des fumeurs à haut risque de faire un cancer du poumon. Ce qui devra être étudié dans une étude longitudinale.
Le biomarqueur pourrait alors être un outil de dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs et les anciens fumeurs et permettre d'identifier les fumeurs à haut risque qui pourraient bénéficier d'une chimioprophylaxie.
Spira et coll. « Nature Medicine », 4 mars 2007, DOI : 10.1038/nm1556.
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