APRÈS le tabac, le principal facteur de risque de maladie coronarienne est le syndrome métabolique, c'est-à-dire la combinaison d'au moins trois des cinq facteurs de risque suivants : hypertriglycéridémie, HDL cholestérol bas, HTA, surpoids ou obésité, diabète.
On ignore les mécanismes moléculaires qui sous-tendent cette association. Une équipe de chercheurs américains et iraniens vient d'apporter un nouvel éclairage.
Richard Lifton, de l'université de Yale (New Haven, Connecticut), et coll. se sont intéressés à une famille iranienne frappée par une maladie coronarienne précoce. Dans cette famille comptant 58 membres, un membre sur deux (n = 28) présente une maladie coronarienne précoce (infarctus, angor ou arrêt cardiaque subit avant 50 ans). Sur 28 membres affectés, 23 sont décédés de maladie coronarienne, en moyenne à 52 ans.
Hypertriglycéridémie, HTA, diabète.
Les dossiers médicaux disponibles montrent que presque tous les membres atteints de coronaropathie présentent un syndrome métabolique caractérisé par une hypertriglycéridémie, une hypertension et un diabète de type 2. En revanche, ils ne sont pas obèses, ils ont des taux de cholestérol HDL normaux, et la majorité ne fume pas.
Les membres bien portants de la famille ont des triglycérides, une TA et une glycémie normaux et leur décès survient en moyenne à 81 ans.
Comme le relate le Dr Lifton, «cela nous indiquait que la maladie coronarienne était associée à ce groupe de facteurs de risque métabolique. De plus, ces facteurs de risque se comportaient comme s'ils étaient transmis dans la famille sous la forme d'un facteur unique».
L'équipe a réalisé une étude génétique chez 19 membres de la famille (7 ayant une maladie coronarienne précoce, 5 étant bien portants et 7 trop jeunes pour connaître leur phénotype). Une analyse de liaison génétique couvrant tout le génome a révélé que la maladie coronarienne précoce était liée à un segment du chromosome 12p (Lod Score de 4,4).
Parmi les six gènes résidant dans ce segment chromosomique, le gène LPR6 émergeait comme un sérieux candidat ; pour plusieurs raisons. L'inactivation chez la souris du gène apparenté LPR5, qui encode également un corécepteur dans la voie du signal Wnt, cause une hypercholestérolémie et une intolérance au glucose lorsque la souris est mise au régime gras. De plus, le déficit en LPR5 (chez l'homme et la souris) ou en LPR6 (chez la souris) provoque une ostéoporose précoce sévère, ce qui souligne l'importance des gènes LPR dans le développement osseux. Or le premier patient (probant) identifié avait présenté une fracture de hanche à 62 ans, manifestation d'une ostéoporose inexpliquée. En réévaluant les membres familiaux affectés, les chercheurs ont identifié deux autres hommes ayant présenté à un âge précoce (48 et 68 ans) une fracture de hanche et une ostéoporose.
Les chercheurs ont donc séquencé le gène LPR6 chez le patient probant. Ce qui a permis de découvrir une mutation causale, entraînant une substitution d'acide aminé dans la protéine LPR6.
Dans la famille, cette mutation est associée à la maladie coronarienne précoce, ainsi qu'au syndrome métabolique et à l'ostéoporose. A l'opposé, elle est absente dans des populations témoins iranienne (n = 400) et américaine caucasienne (n = 4 000).
Enfin, en culture cellulaire, la mutation de LPR6 compromet le signal du Wnt, un signal métabolique clé tant chez l'embryon que chez l'adulte.
«Ces résultats lient une seule anomalie génétique dans le signal Wnt à la maladie coronarienne et à de multiples facteurs de risque cardio-vasculaires», concluent les chercheurs. S'ils pensent que la mutation identifiée est probablement très rare – ils ne l'ont pas détectée chez 400 patients affectés de coronaropathie – ils estiment que cette découverte «pourrait apporter un aperçu majeur sur les voies qui causent la maladie, lesquelles pourraient être manipulées pour obtenir un bénéfice thérapeutique».
«Bien que ce soit encore loin, nous pourrions être un jour en mesure de développer des stratégies visant à altérer ou à accroître l'activité de certains composants de la voie du Wnt afin de prévenir le développement du syndrome métabolique et de la maladie coronarienne», estime le Dr Lifton. Enfin, ajoute-t-il, «on commence à reconnaître de plus en plus que l'ostéoporose et la maladie coronarienne surviennent ensemble plus souvent que la chance ne le laisserait prévoir. Nous avons impliqué une activité altérée de la voie Wnt dans le développement à la fois de la maladie coronarienne et de l'ostéoporose.
Dès lors, on peut imaginer que l'identification des patients affectés d'ostéoporose et de maladie coronarienne pourrait être une manière de sélectionner ceux pour lesquels il pourrait être particulièrement intéressant de rechercher un signal Wnt altéré».
« Science », 2 mars 2007, Mani et coll.
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