LA POULE aux oeufs d’or n’est plus un mythe : des chercheurs britanniques viennent en effet de mettre au point un protocole de transgenèse extrêmement efficace, permettant d’obtenir des volailles qui pondent des oeufs renfermant d’importantes quantités de protéines recombinantes d’intérêt thérapeutique, aussi précieuses que de l’or.
L’idée de détourner la machinerie de production des protéines d’organismes vivants dans le but de produire des substances thérapeutiques n’est pas nouvelle : des systèmes d’expression permettant à la bactérie Escherichia coli de synthétiser de l’insuline humaine ont en effet été mis au point il y a plus de vingt-cinq ans. Depuis, des champignons et des cellules humaines en culture ont également été utilisés comme « bio-usines » à médicaments. Plus récemment, les avancées dans le domaine de la transgenèse ont permis la production de mammifères, en particulier celle de chèvres et de lapines, qui expriment des protéines recombinantes humaines dans leur lait.
Une alternative intéressante à cette dernière stratégie se fonde sur l’utilisation de poules qui synthétiseraient les protéines médicaments dans le blanc ou le jaune de leurs oeufs.
Plusieurs avantages.
Cette stratégie présente plusieurs avantages par rapport aux systèmes mammifères : l’obtention d’une poule transgénique « fondatrice », puis l’établissement d’une lignée sont plus rapides et l’élevage ainsi produit est moins coûteux à entretenir. Par ailleurs, le système aviaire autorise la synthèse de protéines d’intérêt qui sont potentiellement toxiques pour des cellules mammifères. Enfin, ce système permet d’obtenir des protéines dont le profil de glycosylation et l’immunogénicité réduite sont intéressants pour une utilisation chez l’homme.
Cependant, jusqu’à présent, les chercheurs se sont heurtés à des difficultés techniques relatives à la production de poules transgéniques : les différents protocoles de transgenèse utilisés se sont révélés trop inefficaces ou ont conduit à la production d’oiseaux fondateurs qui ne transmettaient pas le transgène à leur descendance, ou encore à celle de poules qui exprimaient le transgène de manière non spécifique, dans d’autres tissus que dans l’oviducte.
Un vecteur dérivant d’un lentivirus équin.
Lillico et coll. (Roslin Institute, Midlothian, Royaume-Uni) ont réussi à dépasser ces problèmes en utilisant un vecteur de transgenèse dérivant d’un lentivirus équin (virus de l’anémie infectieuse équine) et une séquence de régulation de l’expression du transgène correspondant à un fragment assez court du promoteur de l’ovalbumine, une substance qui constitue normalement plus de la moitié du contenu en protéine du blanc d’oeuf.
Le protocole britannique a été utilisé pour produire des poules synthétisant soit l’interféron humain IFN-bêta-1a, soit le minianticorps miR24. L’étude des oiseaux transgéniques obtenus (Go) ainsi que celle de leur descendance sur deux générations successives (G1 et G2) a montré que les transgènes introduits en Go étaient stables et transmissibles via les cellules germinales.
La fonctionnalité des protéines a été vérifiée.
Par ailleurs, différentes expériences ont permis de démontrer que ces gènes ne s’expriment que dans l’oviducte des poules, au niveau du magnum. Enfin, le niveau d’expression des transgènes est tel que de 15 à 50 µg/ml de protéines recombinantes sont retrouvées dans chaque oeuf pondu par les poules transgéniques. La fonctionnalité de ces protéines a été vérifiée.
Ce protocole étant théoriquement applicable à la production de n’importe quelle protéine d’intérêt thérapeutique, il pourrait prochainement conduire à la création de nombreuses « basses-cours pharmaceutiques ».
S.G. Lillico et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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