Conséquences fonctionnelles de la prostatectomie totale

Les enseignements de l’étude REPAIR

Publié le 13/12/2006
Article réservé aux abonnés

LA PROSTATECTOMIE totale constitue la technique de référence qui permet d’obtenir le plus grand nombre de guérisons en cas de cancer de la prostate localisé. L’acte opératoire permet en effet d’obtenir un taux de PSA inférieur à 0,1 ng/ml après ablation de la prostate et des vésicules séminales. Les conséquences fonctionnelles de cette chirurgie sont essentiellement urinaires et sexuelles. Une incontinence postopératoire survient assez fréquemment après prostatectomie radicale. Les symptômes s’améliorent toutefois souvent pendant l’année qui suit l’intervention. Mais au-delà de la première année, environ 10 % des patients conservent une incontinence urinaire malgré la rééducation. Celle-ci est plus souvent modérée que majeure mais, dans ce cas, elle constitue un handicap qui entraîne une forte altération de la qualité de vie. Par ailleurs, la prostatectomie totale perturbe la vie sexuelle en induisant une insuffisance érectile chez la majorité des patients.

Afin d’évaluer l’impact de ces troubles sur la qualité de vie des patients et de préciser leurs attentes et leur vécu par rapport à la prise en charge de ces séquelles fonctionnelles, l’étude REPAIR a été mise en oeuvre. Elle constitue un observatoire de la prise en charge, par les urologues, de l’insuffisance érectile et de l’incontinence urinaire consécutives à la prostatectomie totale pour traitement du cancer de prostate localisé.

L’étude REPAIR a été réalisée à l’initiative de l’Association française d’urologie. Elle a été rendue possible par un partenariat avec l’industrie pharmaceutique (1). Sa mise en oeuvre a été confiée à l’institut d’études et de sondage TNS Sofres.

Une forte implication des urologues.

Sur le plan méthodologique, chaque urologue qui a accepté de participer à l’observatoire a rempli un questionnaire concernant ses modalités usuelles de prise en charge des troubles sexuels et urinaires après prostatectomie totale. Par ailleurs, dix questionnaires lui ont été confiés afin qu’ils soient remis à dix de ses patients vus en consultation et opérés depuis moins de douze mois. Les malades devaient le remplir de façon anonyme et le renvoyer directement à la TNS Sofres. Le taux de participation à cette étude a été très important. En effet, 535 urologues ont répondu au questionnaire, ce qui représente près de la moitié de l’ensemble des urologues français. Concernant les patients, 2 644 questionnaires ont été colligés par l’institut TNS Sofres, soit en moyenne cinq patients par urologue. Ces chiffres s’expliquent par la forte implication des urologues, mais aussi par le niveau de préoccupation que représentent ces troubles pour les patients. Avant l’intervention, 75 % des patients avaient une activité sexuelle. Après la prostatectomie, une insuffisance érectile a été diagnostiquée chez 92 % des opérés. Des troubles urinaires ont été constatés chez 55 % des patients à un moment quelconque du suivi après l’intervention. Aucune corrélation entre l’incidence des troubles sexuels et urinaires et la technique chirurgicale de la prostatectomie totale, coelioscopique ou chirurgie à ciel ouvert, n’a été mise en évidence.

La dysfonction érectile des patients a été prise en charge par l’ensemble des urologues qui ont participé à l’étude. Cette prise en charge est systématique chez 38 % des praticiens, et occasionnelle, c’est-à-dire sur demande du patient, chez 62 % d’entre eux.

Le point de vue des patients.

Concernant les patients, ils sont demandeurs d’une prise en charge de leurs troubles de l’érection plus précoce que ce que pensent les urologues. En effet, pour 66 % des urologues, les patients souhaitent une prise en charge au-delà de 3 mois après l’intervention. Mais, pour 61 % des patients, le meilleur moment pour débuter le traitement de leur dysfonction érectile se situe entre 0 et 3 mois. Globalement, la dysfonction érectile a été jugée plus gênante que l’incontinence urinaire par les patients.

Concernant la prise en charge de la dysfonction érectile postopératoire, 88 % des urologues interrogés dans cette étude ont recours à un même protocole thérapeutique de prise en charge des troubles de l’érection pour tous les patients. Les injections intracaverneuses sont utilisées en première intention par 76 % d’entre eux. Le plus souvent dans le but de rééduquer la fonction érectile pour favoriser une récupération ultérieure d’érections naturelles. Ainsi, l’étude REPAIR montre que la dysfonction érectile après prostatectomie totale est fréquente. Elle montre également que la prise en charge est effectuée par la très grande majorité des urologues, les patients souhaitant qu’elle soit effectuée précocement.

D’après un entretien avec le Pr François Giuliano, neuro-uro-andrologue, service de médecine physique et de rééducation, hôpital Raymond-Poincaré, Garches.
(1) L’étude REPAIR a été réalisée en partenariat avec le Laboratoire Schwarz Pharma.

> Dr GERARD BOZET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8072