UNE STRATÉGIE de criblage moléculaire originale, se fondant sur la comparaison de « signatures moléculaires », a permis à des scientifiques de l’université de Harvard d’identifier de nouvelles substances thérapeutiques pour le cancer de la prostate, d’une part, et pour les leucémies lymphoblastiques aiguës de l’enfant résistant aux glucocorticoïdes, d’autre part. L’approche innovante développée par l’équipe américaine permet, en outre, d’obtenir assez facilement des informations sur le mode d’action des composés actifs mis en évidence et, de ce fait, l’identification de cibles thérapeutiques.
Aller d’une signature à l’autre.
Brièvement, la mise en oeuvre de cette stratégie de criblage nécessite l’établissement préalable d’une signature moléculaire spécifique à la situation pathologique étudiée et d’une seconde signature, spécifique de l’état physiologique qu’on souhaite atteindre par l’administration d’un traitement. Il s’agit ensuite de rechercher, parmi les molécules d’une chimiothèque, celles qui permettent de passer de la première signature à la seconde.
Hieronumus et coll. ont appliqué cette stratégie à la recherche de composés capables d’inhiber l’activation des récepteurs androgéniques, impliqués dans la progression des cancers prostatiques. Les chercheurs ont commencé par définir les signatures moléculaires correspondant à l’activation et à l’inactivation des récepteurs androgéniques dans une lignée de cellules humaines dérivant de cancers de la prostate. Cette signature a été établie grâce à des puces à ADN : le profil d’expression du génome en réponse à une stimulation androgénique a été comparé à celui observé en l’absence d’androgènes dans le milieu de culture cellulaire. Cette expérience a permis d’identifier une série de gènes dont l’expression est spécifiquement modifiée (activée ou réprimée) par la stimulation androgénique. Une signature moléculaire (en l’occurrence une signature « transcriptionnelle »), capable de différencier avec une grande fiabilité les cellules dans lesquelles les récepteurs androgéniques sont activés de celles dans lesquelles cette voie de signalisation est éteinte, a pu être définie à partir du niveau d’expression de 27 gènes.
Le célastrol et la gédunine.
Hieronumus et coll. ont alors recherché parmi les 2 500 molécules de la chimiothèque mise à leur disposition celles qui sont capables de transformer la signature de cellules stimulée par des androgènes, pour qu’elle corresponde à la signature observée dans les cellules où la voie de signalisation androgénique est éteinte. Cette stratégie leur a permis d’identifier deux nouveaux inhibiteurs de la signalisation androgénique : le célastrol et la gédunine.
Pour aller encore plus loin et comprendre comment ces molécules agissent sur les fonctions cellulaires, les chercheurs ont de nouveau eu recours aux signatures moléculaires : ils ont comparé la signature des cellules traitées par les deux composants précédemment identifiés à une banque de données issues de résultats d’analyses transcriptionnelles. Il est alors apparu que le profil d’expression génétique induit par le célastrol et la gédunine est semblable à celui induit par les inhibiteurs de HSP90, une protéine dite chaperonne, qui participe au repliement des autres protéines cellulaires. Des expériences complémentaires ont permis de vérifier que les deux molécules identifiées par Hieronumus et coll. agissent effectivement sur la voie de signalisation cellulaire dépendant des récepteurs androgéniques en inhibant l’activité de HSP90. En outre, ces expériences ont montré que le célastrol et la gédunine bloquent HSP90 par un mécanisme totalement différent de celui utilisé par les autres inhibiteurs de la protéines chaperonne.
La rapamycine sensibilise les cellules résistantes.
Dans un second article publié simultanément par la revue « Cancer Cell », Wei et coll. ont utilisé une démarche similaire pour découvrir une molécule capable de vaincre la résistance aux glucocorticoïdes de certaines leucémies lymphoblastiques aiguës de l’enfant. En utilisant les signatures moléculaires de cellules tumorales résistantes et de cellules sensibles aux glucocorticoïdes, les chercheurs ont montré que la rapamycine « sensibilise » les cellules tumorales résistantes aux glucocorticoïdes. La substance agirait en modifiant l’activité de MCL-1, une protéine antiapoptotique.
« Cancer Cell », octobre 2006.
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