DE NOTRE CORRESPONDANTE
L’IMAGERIE VASCULAIRE in vivo pourrait constituer un puissant outil pour déceler et visualiser, de façon non invasive, la maladie.
Cependant, il est apparu difficile jusqu’ici de visualiser les modifications de structure de l’endothélium microvasculaire, en utilisant l’imagerie en fluorescence chez l’animal vivant. Le signal de fluorescence ne pénétrait pas bien les tissus. Une équipe de chercheurs du Scripps Research Institute en Californie (la Jolla), dirigée par Marianne Manchester et Heidi Stuhlmann, décrit une nouvelle stratégie prometteuse : utiliser des nanoparticules virales rendues fluorescentes pour visualiser le système macrovasculaire et microvasculaire.
Le virus utilisé est un virus des végétaux, le virus de la mosaïque du pois cajan (Vmpc, en anglais Cpmv), non infectieux chez les animaux et dont la structure est maintenant bien connue.
L’enveloppe de ce petit virus ARN est particulièrement intéressante, étant composée de 60 copies identiques d’une protéine asymétrique, qui constituent ainsi 60 sites équivalents pour attacher des molécules.
L’équipe a créé des particules virales conjuguées, par réaction chimique, à des colorants fluorescents disponibles dans le commerce, avec une densité qui peut atteindre jusqu’à 120 colorants par virus.
Une brillance exceptionnelle.
Injectées des souris adultes, ces particules virales fluorescentes, d’une brillance exceptionnelle, se localisent à l’endothélium vasculaire, et visualisent les vaisseaux, aussi bien les gros que les petits, ainsi que les capillaires les plus fins, dans les divers organes (rein, coeur, placenta, foie, etc.) pendant au moins trois jours. Aucun effet secondaire néfaste n’a été observé chez les souris.
Les chercheurs montrent, chez la souris et l’embryon du poulet, la possibilité de visualiser, avec ces nanoparticules virales, le réseau microvasculaire à une profondeur tissulaire inédite. Il est également possible de visualiser le débit microvasculaire, en bloquant l’internalisation dans les cellules endothéliales des particules fluorescentes grâce à leur enrobage par PEG.
Néovascularisation du microenvironnement tumoral.
La technique permet, en outre, de distinguer le système veineux (préférentiellement marqué) du système artériel. Dans un modèle de fibrosarcome humain implanté sur la membrane chorioallantoïque du poulet, les chercheurs montrent que les nanoparticules virales fluorescentes permettent de voir et de surveiller au cours du temps la néovascularisation du microenvironnement tumoral. Comme le précisent les chercheurs, le virus Cpmv possède un certain nombre de qualités qui le rendent attrayant pour l’imagerie in vivo: les particules peuvent être produites en grande quantité dans les plantes ; elles sont très stables ; elles ne sont pas infectieuses chez les animaux en dépit d’une dissémination systématique après administration orale ou intraveineuse. Enfin, ces particules virales sont déjà présentes dans la chaîne alimentaire humaine et les études préliminaires chez la souris suggèrent l’absence de toxicité.
«Il nous faut conduire d’autres études précliniques, de pharmacocinétique et de toxicité, et évaluer les réponses immunes envers les particules», confie toutefois au « Quotidien » le Dr Manchester.
Autre piste : le marquage isotopique.
Les chercheurs envisagent d’étudier les autres modes d’imagerie qui pourraient être possibles, en dehors de l’imagerie optique. En effet, ces particules virales ne sont pas limitées au marquage fluorescent ; elles pourraient être marquées, par exemple, par des isotopes radioactifs, des agents de contraste d’IRM ou des éléments enzymatiques.
«Nous étudions la capacité de cibler les particules vers des sites spécifiques dans l’organisme, comme les tumeurs en développement, ou des lésions athéroscléreuses dans la maladie cardiaque», ajoute la chercheuse.
«Ces particules sont extrêmement utiles pour illuminer et distinguer avec une grande résolution le système vasculaire chez les animaux vivants, souligne-t-elle. Les futures études nous permettront d’étudier le développement vasculaire chez les animaux sains et au cours d’états pathologiques comme le cancer et l’athérosclérose. »
« Nature Medicine », 26 février 2006, doi :10.1038/nm1368.
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