DE NOTRE CORRESPONDANTE
AU COURS des dernières années, les recherches visant à identifier les facteurs de vulnérabilité génétique à la schizophrénie et au trouble bipolaire ont commencé à être fructueuses. La preuve la plus directe porte sur le gène DISC1 (Disrupted In Schizophrenia-1).
Il y a cinq ans, des chercheurs de l'université d'Edimbourg (Royaume-Uni) ont identifié un premier gène, DISC1, dont l'altération par translocation chromosomique est clairement associée à la schizophrénie et aux troubles affectifs, dans au moins deux familles. Depuis, un certain nombre d'études de liaison et d'association ont confirmé le rôle du locus DISC1 dans la schizophrénie, le trouble schizoaffectif et le trouble affectif bipolaire. On sait que la protéine DISC1 est exprimée dans les régions cérébrales qui interviennent dans la genèse des symptômes psychiatriques et qu'elle se lie à différentes protéines du SNC, y compris des protéines du développement neurologique (FEZ1 et NUDEL). La protéine DISC1 est cruciale pour le maintien d'un complexe entre la protéine NUDEL et la protéine motrice dynéine au niveau du centrosome.
Translocation chez un patient schizophrène.
La même équipe d'Edimbourg, en collaboration avec des chercheurs de l'université de Glasgow et de la compagnie pharmaceutique Merck Sharpe and Dohme, a identifié un deuxième facteur de vulnérabilité génétique - PDE4B : les chercheurs ont découvert que le gène PDE4B est perturbé par une translocation chromosomique chez un patient schizophrène.
« C'est une autre percée importante dans notre compréhension encore restreinte de cette maladie mentale majeure », observe le Pr David Porteous (University of Edinburgh), coauteur de ces travaux. « C'est le fruit d'un fantastique effort conjugué. »
Millar, Porteous et coll. montrent que la translocation chromosomique perturbe le gène encodant la phosphodiestérase 4B (PDE4B) et entraîne une réduction de 50 % dans l'expression de l'enzyme PDE4B1.
On sait que les phosphodiestérases (PDE) représentent le seul moyen d'inactiver l'AMPc intracellulaire, un second messager essentiel intervenant dans l'apprentissage, la mémoire et l'humeur. L'enzyme PDE4 avait déjà été impliquée dans la fonction cognitive et affective, mais c'est la première fois qu'elle l'est dans une maladie mentale.
En outre, les chercheurs ont découvert que la protéine DISC1 se fixe et interagit avec l'enzyme PDE4B1 (isoforme de PDE4B).
L'augmentation pharmacologique de l'AMPc cellulaire rompt la liaison entre les protéines DISC1 et PDE4B1 (forme déphosphorylée) via une phosphorylation de la PDE4B1 par une protéine kinase AMPc-dépendante, et entraîne une activité phosphodiestérase accrue (forme phosphorylée de la PDE4B1).
Les systèmes de signal qui majorent les taux cellulaires d'AMPc, comme ceux qui sont déclenchés par les neurotransmetteurs, pourraient donc augmenter l'activité phosphodiestérase.
« Nous proposons le modèle de mécanisme suivant : la protéine DISC1 séquestre l'enzyme PDE4B dans les cellules au repos et la libère dans un état activé en réponse à l'élévation de l'AMPc », notent les chercheurs.
Dysfonction cognitive et affective.
« Un lien unificateur entre la schizophrénie et le trouble affectif bipolaire, et entre DISC1 et PDE4, pourrait se trouver au niveau cognitif de l'apprentissage et de la mémoire, ainsi qu'au niveau moléculaire du signal de l'AMPc », proposent les chercheurs.
Selon les Drs Sawa et Snyder (université Johns Hopkins, Baltimore), auteurs d'un commentaire associé, « cette découverte fournit une explication moléculaire à la dysfonction cognitive et affective, et pourrait contribuer à éclaircir la relation entre la schizophrénie et la maladie affective ». Cette découverte, ajoutent-ils, pourrait conduire à de nouvelles stratégies thérapeutiques.
« Science », 18 novembre 2005, p. 1187, Millar et coll.
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