LES RETROVIRUS oncogènes sont connus pour provoquer des cancers par l'acquisition et l'expression d'oncogènes dérivés de l'hôte ou par l'expression d'oncogènes auxiliaires viraux, tels que le gène fax du virus de la leucémie à cellules T humaine. Le rétrovirus Jaagsiekte du mouton (RJM) induit un cancer pulmonaire contagieux chez les moutons et les chèvres. C'est un rétrovirus simple, qui n'exprime pas d'oncogène auxiliaire dérivé de l'hôte. Il peut entraîner une tumeur cancéreuse dans les dix jours qui suivent son acquisition. Le temps de latence est plus court que lorsqu'il existe une activation d'oncogènes de l'hôte par un rétrovirus.
Les hôtes cibles du RJM sont limités par des différences spécifiques portant sur le récepteur d'entrée du virus, le Hyal2 (hyaluronidase 2). Ce dernier n'est pas fonctionnel chez les souris (mais il l'est chez l'homme).
Du mouton à la souris.
Les moutons sont tolérants au RJM et à des virus proches, qui ne sont pas présents chez l'homme et chez la plupart des autres espèces, ce qui peut faciliter l'oncogenèse.
Le travail publié par Wootton et coll. montre que l'on peut induire, chez la souris, des tumeurs semblables à celles du mouton en faisant simplement exprimer dans les poumons de l'animal une protéine d'enveloppe Env de RJM. Pour cela, les auteurs ont utilisé un vecteur adénoviral défectif pour la réplication. Les tumeurs ont la même localisation bronchiolo-alvéolaire que celles des moutons.
Chez les souris immunodéficientes, une maladie létale est observée, tandis que chez les souris immunocompétentes, elle est presque entièrement bloquée.
« Nos résultats mettent en évidence un exemple rare de virus oncogène, où l'interaction entre la protéine Env de l'enveloppe virale et le récepteur d'entrée Hyal2 n'est pas nécessaire à la tumorogenèse », indiquent les chercheurs. Cela signifie que la reconnaissance immunitaire d'Env peut protéger contre l'effet tumorogène de RJM.
Un risque potentiel chez l'homme.
Par ailleurs, Wootton et coll. sont parvenus à faire exprimer l'Env du RJM dans des cultures de cellules épithéliales humaines (à l'aide d'un vecteur viral). Cela donne à penser qu'un virus RJM ou d'autres virus apparentés sont susceptibles d'induire des cancers chez l'homme. Les investigateurs ont, en outre, découvert que des anticorps dirigés contre des protéines de RJM réagissent avec environ 30 % des carcinomes bronchiolo-alvéolaires ou des adénocarcinomes pulmonaires humains, alors qu'ils ne réagissent pas avec les adénocarcinomes d'autres organes ou avec des tissus normaux.
Les tentatives pour déceler des virus dans ces situations n'ont pas été couronnées de succès.
Quoi qu'il en soit, les résultats présentés ici montrent que les réponses immunitaires développées contre l'Env de RJM peuvent permettre de limiter l'oncogenèse dans d'autres espèces que le mouton. De plus, ces réponses immunitaires pourraient conférer un premier niveau de protection contre l'activité oncogène de RJM chez l'homme.
Sarah Wootton et coll. « Nature », vol. 434, 14 avril 2005, pp. 904-907.
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