La coinfection VIH-1 et paludisme est néfaste, mais il a fallu attendre des études chez des femmes enceintes pour que le problème soit réellement soulevé : en 1996, un travail réalisé au Malawi chez des femmes enceintes a montré que la parasitémie à P. falciparum était plus fréquente et plus importante chez les femmes infectées par le VIH-1 que chez les autres.
Par la suite, ces résultats ont été confirmés chez des femmes enceintes et dans une population adulte. En outre, on a découvert que la paludisme symptomatique accroît la charge virale du VIH-1 ; et que les adultes infectés par le VIH, mais non immunisés contre le paludisme, sont prédisposés à un paludisme sévère.
Le récepteur d'adhésion CD36
Un point essentiel de l'infection à P. falciparum est l'accumulation, dans les microvaisseaux, des érythrocytes parasités.
Ces érythrocytes adhèrent aux cellules endothéliales par l'intermédiaire de divers récepteurs, dont le principal est de loin le CD36 (chez la femmes enceinte, le problème est différent). On a donc pensé que l'adhésion au CD36 contribuait à la sévérité de la maladie. Si certaines équipes le pensent encore, pour d'autres, c'est peut-être en fait tout le contraire : l'autopsie de sujets décédés de paludisme cérébral montre de faibles concentrations de CD36 au niveau des cellules endothéliales cérébrales ; une étude génétique a montré que les sujets déficients en CD36 ont un risque accru de paludisme cérébral. En fait, l'adhésion des érythrocytes parasités au CD36 dans des sites non vitaux (notamment peau et muscles) plutôt qu'à d'autres récepteurs dans l'endothélium cérébral (ICAM-1) pourrait représenter un effet protecteur du CD36.
Dès lors que le CD36 était considéré comme un facteur protecteur contre P. falciparum, il était impératif d'aller plus loin dans les investigations concernant les personnes infectées à la fois par le VIH et P. falciparum ; des travaux ont en effet suggéré que des antirétroviraux diminuent l'expression du CD36. C'est dire l'intérêt d'un nouveau travail in vitro publié par Salima Nathoo et coll. dans le « Lancet ».
Baisse de l'adhésion et de la phagocytose
Sans entrer dans les détails, cette nouvelle étude montre que, in vitro, à des concentrations de 10 μg/l, deux inhibiteurs de protéase (ritonavir et saquinavir) - mais pas la névirapine, un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase reverse - diminue l'adhésion, médiée par CD36, des érythrocytes parasités aux cellules endothéliales. De plus, des récepteurs CD36 existant également au niveau des monocytes, on observe, avec les deux antiprotéases, une diminution de la phagocytose non opsonique par des macrophages humains.
Quelles peuvent être les conséquences d'un traitement par antiprotéase chez des personnes infectées à la fois par le VIH et P. falciparum ?
D'un côté, explique un éditorialiste, Stephen Rogerson, en raison de l'inhibition de CD36, l'adhésion des érythrocytes parasités pourrait aller se faire ailleurs que dans l'endothélium, notamment au niveau de récepteurs ICAM-1 ; la baisse de la phagocytose pourrait conduire à une parasitémie plus élevée.
De l'autre côté, poursuit-il, la reconstitution immunitaire sous traitement anti-VIH pourrait entraîner une restauration de l'immunité humorale, bénéfique contre le paludisme.
On le voit, des travaux complémentaires sont nécessaires ; y compris chez la femme enceinte.
« The Lancet » du 27 septembre 2003, pp. 1039-1041 et 1042-1043 (éditorial).
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