Méningite bactérienne : une étude en faveur de la corticothérapie adjuvante chez l'adulte

Publié le 13/11/2002
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De notre correspondante
à New York

La méningite bactérienne aiguë chez l'adulte, en particulier pneumococcique, est associée à une mortalité élevée. Ses séquelles neurologiques sont fréquentes.

L'évolution défavorable n'est pas due à un traitement antibiotique inapproprié puisque les cultures du liquide céphalo-rachidien sont stériles en vingt-quatre à quarante-huit heures après la mise en route de l'antibiothérapie. Elle résulte plutôt, comme l'ont indiqué les études animales, d'une inflammation dans l'espace sous-arachnoïdien qui accompagne la destruction bactérienne induite par l'antibiothérapie. Ces études animales ont aussi montré l'effet bénéfique de l'adjonction d'anti-inflammatoires, comme la dexaméthasone.
Consécutivement, en 1988, une importante étude contrôlée par placebo, et plus récemment une métaanalyse, ont montré le bénéfice d'un traitement adjuvant par dexaméthasone chez les enfants atteints de méningite bactérienne. Mais chez les adultes, il n'existe pas suffisamment de données sur la corticothérapie adjuvante pour qu'elle puisse être recommandée en routine.

Une baisse de la mortalité

Gans (université d'Amsterdam) et coll. publient les résultats d'une étude randomisée, en double insu, du traitement adjuvant par dexaméthasone chez 301 adultes avec méningite bactérienne, enrôlés entre 1993 et 2001 dans cinq pays européens.
La dexaméthasone (10 mg) a été administrée de quinze à vingt minutes avant la première dose d'antibiothérapie, puis toutes les six heures pendant quatre jours.
Comparée au placebo, la corticothérapie s'associe à une réduction du pourcentage d'évolutions défavorables (15 % au lieu de 25 %) et à une baisse de la mortalité (7 % au lieu de 15 %) à deux mois. Les bénéfices sont les plus nets chez les patients atteints de méningite pneumococcique : seulement 26 % de ceux sous dexaméthasone ont une évolution défavorable, contre 52 % des patients sous placebo ; la mortalité est de 14 % au lieu de 34 %. Les bénéfices sont aussi importants chez ceux qui ont, à l'admission, une maladie modérée à sévère (d'après l'échelle de Coma de Glasgow).
En outre, durant le séjour hospitalier, les troubles de la conscience, les convulsions et les insuffisances cardio-respiratoires se sont développés moins souvent dans le groupe dexaméthasone que dans le groupe placebo. Le corticoïde n'a pas augmenté le risque d'hémorragie gastro-intestinale.

Avant ou avec la première dose d'antibiotique

Les investigateurs recommandent donc, chez tous les adultes atteints de méningite bactérienne aiguë, un traitement adjuvant par dexaméthasone (10 mg toutes les six heures pendant quatre jours) à débuter avant ou avec la première dose d'antibiotique.
Dans un éditorial, les Drs Tunkel (Philadelphie, Pennsylvanie) et Scheld (Charlottesville, Virginie), offrent, au vu de ces résultats, une recommandation similaire mais plus nuancée. « Nous pensons que l'utilisation systématique de la thérapie adjuvante par dexaméthasone est justifiée chez la plupart des adultes en cas de suspicion de méningite pneumococcique. La dexaméthasone peut être donnée avec, ou juste avant, la première dose d'antibiotique », notent-ils. « Nous recommandons de ne pas donner la dexaméthasone adjuvante chez les patients qui ont déjà reçu un traitement antibiotique, ou chez ceux qui présentent un choc septique, car la corticothérapie pourrait être néfaste chez ceux qui ont une réserve surrénalienne adéquate. S'il est trouvé que la méningite n'est pas due à S. pneumoniae , le traitement par dexaméthasone devrait être arrêté », ajoutent-ils. Enfin, ils recommandent dans le cas d'une méningite pneumococcique due à des souches résistantes à la pénicilline ou aux céphalosporines, une observation et un suivi étroits, ainsi que des études rétrospectives, de façon à déterminer si la dexaméthasone adjuvante est associée à une évolution clinique défavorable.

« New England Journal of Medicine », 14 novembre 2002, pp. 1549 et 1613.

Dr Véronique NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7218