Les femmes enceintes séropositives pour le VIH et recevant un traitement antirétroviral combiné (TAR) sont de plus en plus nombreuses au Royaume-Uni. L'intérêt préventif de la transmission materno-foetale est démontré pour la monothérapie par zidovudine, et les recommandations indiquent un traitement combiné chez les femmes aux stades plus avancés de l'infection. Mais la sécurité des TAR est encore peu documentée.
Pour apporter des données supplémentaires, R.C. Wimalasundera et coll. (Londres) ont étudié une cohorte de 214 femmes enceintes atteintent d'une infection par le VIH entre 1990 et 2001. Elles ont été appariées pour l'âge, la parité et l'origine ethnique avec 214 femmes séronégatives, qui ont accouché dans le même hôpital. Toute avaient contracté l'infection par le VIH lors de contacts hétérosexuels.
Dans le groupe ne prenant pas de TAR, les observateurs trouvent un taux significativement moindre de prééclampsie (aucun cas parmi 61) comparativement au groupe sous trithérapie (avec 8 cas sur 76), ce qui donne un odds ratio de 15,3 (p = 0,0087). On trouve un cas parmi 77 sous mono- ou bithérapie ; il n'y a donc pas de différence entre ce groupe et celui qui n'est pas traité.
Même taux que celui des contrôles
« Toutefois, le taux de prééclampsie chez les femmes positives pour le VIH traitées n'est pas différent de celui des femmes contrôles non infectées (12 sur 214, soit p = 0,2). » Cela est valable, que les femmes soient sous tri-, bi- ou monothérapie.
Parmi les neuf femmes ayant eu une prééclampsie, sept avaient des formes inhabituellement sévères. Quatre avaient un HELLP (hémolyse, enzymes hépatiques élevées et hypothrombocytémie) et trois présentaient une mort foetale in utero. Seule une patiente avait une HTA dans ses antécédents obstétricaux.
« La restauration apparente du taux de prééclampsie pour atteindre celui des femmes contrôles, lorsque les femmes sont traitées par trithérapie, est peut être dû à la reconstitution immunitaire induite part le TAR », pensent les auteurs. Mais cela peut être aussi le fait d'un chevauchement des manifestations cliniques, des effets secondaires, des traitements et de ceux de la prééclampsie (qui s'annuleraient).
L'acidose lactique est une complication connue des TAR. Le décès de trois femmes qui prenaient de la stavudine associée à de la didanosine peut faire poser la question d'une susceptibilité accrue à ce type d'effets secondaire pendant la grossesse. Le fréquence d'acidose lactique liée aux analogues nucléosidiques inhibiteurs de la réverse transcriptase pendant le grossesse n'a pas été rapportée précisément, mais si l'on se réfère à cette cohorte, on trouve la complication chez 4 femmes sur 7 traitées avec une association comportant ce type de produit. Une toxicité médicamenteuse a été suspectée et le traitement interrompu, bien que la présentation initiale ait été typique de la prééclampsie.
Rôle central du système immunitaire
« Nous concluons que l'effet restaurateur immunitaire de la trithérapie pourrait être impliqué dans le développement de la pré-éclampsie. » De là à supposer que le système immunitaire joue un rôle central dans la prééclampsie, il n'a qu'un pas. Que les auteurs franchissent : il existe des arguments pour penser « que la grossesse normale est un état pro-inflammatoire et que la prééclampsie pourrait être une exagération de cette réponse immunitaire ». La restauration par le TAR de la réponse immunitaire à des antigènes foetaux peut permettre de réinstaller le processus immunologique de la prééclampsie.
Par ailleurs, la déplétion des CD4 associée à la présence du VIH peut rendre compte de la fréquence relativement peu élevée de la prééclampsie chez les femmes séropositives non traitées.
« The Lancet », vol. 360, 12 octobre 2002, pp. 1152-1154.
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