Tout accident aigu cérébral brusque, plus ou moins prolongé et réversible, n'est pas synonyme d'accident vasculaire cérébral (AVC). Plus un accident neurologique aigu a une durée brève et plus le sujet est âgé, plus la confusion risque de se produire entre des phénomènes de nature très différente. Il existe deux catégories de personnes âgées : d'une part, celles dont le psychisme est proche de celui d'un sujet plus jeune, chez qui on peut arriver à faire un diagnostic correct d'AVC par l'interrogatoire ; d'autre part, celle dont les facultés intellectuelles et les performances sont amoindries, sans qu'on puisse parler forcément de maladie d'Alzheimer. Chez celles-là, les erreurs diagnostiques sont nombreuses. Une étude a montré que sur 821 malades vus en urgence, le diagnostic d'AVC était incorrect pour 108 d'entre eux (13 %).
Diagnostic d'AVC erroné dans 15 % des cas
Ce taux d'erreur est très variable, de 10 à 60 % selon l'expérience de l'examinateur. De 13 à 15 % seraient des chiffres raisonnables, car même dans les meilleures mains, des erreurs sont possibles. Tout ce qui est brutal est facilement pris chez le sujet âgé pour un trouble vasculaire. En pratique, il ne faut pas confondre un accident neurologique aigu avec un AVC vrai. C'est le scanner qui fera le diagnostic entre une hémorragie par rupture artérielle et une obstruction artérielle, cause d'ischémie. Celle-ci est analogue à l'ischémie coronarienne ou infarctus du myocarde.
Les erreurs de diagnostic peuvent être différenciées en erreurs par excès ou par défaut.
Le diagnostic différentiel
Par excès, les erreurs sont : les pertes de connaissance, les troubles de la conscience, les désorientations temporo-spatiales, les désordres soudains du comportement, les états d'obtusion et les absences, les accès d'hypersomnie, les amnésies transitoires, les pertes de connaissance brève suivies de « chutes inexpliquées », les accidents pseudofocaux et l'épilepsie, dans ses formes partielles ou généralisées. Mais le vieillard présente tellement de symptômes ! Baisse de la vision avec altération de la conscience, vertige, malaise, flou idéique, confusion, obnubilation, coma, amnésie, dysarthrie, etc., voire même un début de syndrome dégénératif (maladie de Parkinson, atrophie multisystématisée, syndrome de Steele Richardon), hydrocéphalie, dont les symptômes peuvent être au début intermittent et brusques.
Les diagnostics erronés par défaut, sont d'abord les accidents qui surviennent la nuit et dont personne ne se rend compte, par exemple, les hémiplégies pendant le sommeil. L'usage des benzodiazépines aggrave ce risque. Il y a également les cas de méconnaissance d'un déficit gauche (hémiplégie ou hémianopsie gauches) par un phénomène de méconnaissance propre à l'hémisphère droit (négligence anasognosie). De même, la cécité bi-occipitale due à des troubles ischémiques bilatéraux des centres visuels corticaux s'accompagne d'une confusion avec la certitude d'y voir clair. En ORL, les vertiges ont des causes très fréquentes dans l'oreille interne et non dans le cerveau ; on fait souvent le diagnostic de vertiges de Ménière ou de vertiges paroxystiques de position, mais ces syndromes de l'oreille interne tendent à disparaître avec l'avancement en âge : on ne parle de phénomène vertigineux vasculaires que si le sujet est âgé et porteur de gros facteurs de risque vasculaire et si les vertiges s'associent à de vrais signes neurologiques centraux. Et puis, il y a l'erreur de diagnostic entre une hémiplégie d'origine hémisphérique et une hémiplégie du tronc cérébral. Enfin, de nombreux accidents lacunaires peuvent donner des symptômes trompeurs ou discrets mal reconnus par les médecins et les malades. Quand on sait qu'un accident ischémique transitoire ou réversible non reconnu peut être suivi d'un accident massif dévastateur du cerveau (1/3 ou 1/2 des cas), l'importance d'un diagnostic correct est fondamental pour mettre en place un traitement préventif efficace.
Comment expliquer ces erreurs diagnostiques ? « Il semble que les médecins aient été"pervertis" par les statistiques épidémiologiques saturés de la notion de facteur de risque vasculaire (HTA, cholestérol, tabac, cardiopathie, etc.). Du moment qu'un sujet est âgé et qu'il présente des facteurs de risque vasculaire, tout ce qui lui arrive est étiquette "vasculaire" ! Des mots anciens comme "ictus, attaque, apoplexie ", disparus du vocabulaire médical, désignent des événements vagues, non vasculaires ou parfois épileptiques ou des intoxications, des troubles métaboliques beaucoup plus que des accidents vasculaires. Et cela induit les médecins en erreur », explique le Pr Rancurel.
Difficultés des examens complémentaires
En outre, les examens complémentaires peuvent être mal interprétés. C'est le cas du Doppler et du scanner. Une vertébrale anormale ou qui a disparu au Doppler, n'implique pas forcément un accident vertébro-basilaire ; de même pour les carotides. Quant au scanner, des hypodensités peuvent être sans lien avec la topographie des symptômes cliniques et un scanner normal doit être interprété avec prudence : il peut s'agir d'une encéphalopathie toxique médicamenteuse ou d'un AVC précoce encore non visible. Enfin, la cause la plus fréquente est l'impatience de l'examinateur face à un vieillard qui est lent, qui se perd dans les détails, le temps et les digressions. En réalité, il faut l'interroger lentement et à plusieurs reprises en sachant les difficultés et les erreurs propres à la pathologie du vieillard. c'est bien à lui que s'applique la réflexion de Osler sur la médecine, « art plus que science ».
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