De notre correspondante
à New York
O N a découvert il y a plusieurs décennies que des doses élevées d'aspirine et d'autres salicylés (de 4 à 10 g/j), prescrites en traitement de maladies inflammatoires comme l'arthrite rhumatoïde, abaissent les concentrations de sucre dans le sang. Ces doses élevées, d'après des études récentes, sont censées agir sur l'inflammation en inhibant l'enzyme pro-inflammatoire IKK bêta (IK kinase bêta), plutôt que par la voie des cyclooxygénases, la cible classique des anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Les doses d'aspirine étaient trop élevées pour envisager ce traitement pour le diabète, cette observation fortuite en est restée là. Une équipe de chercheurs, dirigée par le Dr Shoelson (Joslin Diabetes Center, Harvard Medical School, Boston), a voulu savoir par quel(s) mécanisme(s) l'aspirine et le salicylate de sodium à doses élevées abaissent la glycémie.
Augmentation de la sensibilité à l'insuline
Yuan, Shoelson et coll. ont tout d'abord observé les effets, chez des rongeurs génétiquement obèses et insulinorésistants (le rat fa/fa et la souris ob/ob), d'un traitement par salicylés à doses élevées. Ce traitement, ont-ils constaté, améliore non seulement l'hyperglycémie, mais aussi l'hyperinsulinémie et la dyslipidémie (triglycérides et acides gras libres), cela en augmentant la sensibilité à l'insuline.
Les chercheurs ont ensuite conduit une série d'expériences sur des cultures cellulaires.
Leurs résultats suggèrent que l'aspirine et le salicylate de sodium affectent le signal de l'insuline en inhibant l'IKK bêta, et non par la voie des cyclooxygénases COX-1 ou COX-2. Ils montrent, entre autres, que l'activation ou la surexpression de l'IKK bêta atténue le signal de l'insuline, tandis que l'inhibition de l'IKK bêta diminue la résistance à l'insuline.
Enfin, l'étude de souris portant une délétion homozygote ou hétérozygote du gène IKK bêta a permis d'étudier le rôle de l'IKK bêta dans le développement et l'amélioration de la résistance à l'insuline. Tandis que les souris homozygotes pour la délétion du gène IKK bêta meurent in utero, les souris hétérozygotes sont normales.
Les souris IKK bêta hétérozygotes (qui n'ont que la moitié de la dose du gène IKK bêta), qui présentent une baisse de la glycémie et de l'insulinémie à jeun, sont protégées contre le développement d'une insulinorésistance au cours d'une alimentation riche en graisses ou lors d'une prédisposition génétique (souris Lep ob/ob).
Un processus inflammatoire dans l'insulinorésistance
Ces résultats confortent les précédentes suggestions de liens possibles entre une inflammation subaiguë chronique et une résistance à l'insuline, qu'ils soient dus au TNF-alpha produit dans la graisse ou à des mécanismes indépendants du TNF-alpha.
« Ces résultats incriminent un processus inflammatoire dans le développement de l'insulinorésistance dans le diabète de type 2 et l'obésité, concluent les chercheurs, et identifient la voie IKK bêta comme une cible pour la sensibilisation à l'insuline. »
L'IKK bêta pourrait ainsi fournir une cible précieuse pour développer de nouveaux traitements pour le diabète type 2.
« Science » du 31 août 2001, p. 1673.
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