* Adam Vollmann avait 14 ans lorsqu'il a débarqué à Drysden, Colorado, et rencontré Ethan Shaw, la star du lycée, qui l'a pris sous son aile. Devenu journaliste, il apprend sur les écrans de Times Square que son seul ami d'alors est accusé d’avoir violé et tué une jeune Mexicaine. Décontenancé et horrifié par le portrait jeté en pâture au public, il retourne dans la petite ville de leur jeunesse pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Sous couvert d’une enquête journalistique, « le Monde n’existe pas » (1) est une interrogation tourmentée sur la puissance des médias et des réseaux sociaux, sur l'utilisation du mensonge et la manipulation de l’opinion, en même temps qu’un regard nostalgique sur l’adolescence perdue. Au risque de voir réalité et fiction se confondre C'est le huitième livre de Fabrice Humbert, après notamment « l’Origine de la violence » et « la Fortune de Sila ».
* Écrivain tous azimuts (théâtre, poésie, essais et 9 romans, parmi lesquels « l’Autre Simenon » ou « le Roi, Donald Duck et les vacances du dessinateur »), auteur de nombreux ouvrages sur la photographie et sur son pays natal, la Belgique, spécialiste de la photographie, critique de presse…, Patrick Roegiers est un auteur prolifique. Dans « Vie de famille » (2), il parle pour la première fois de lui-même et de ses parents, se souvenant de ce vendredi 22 septembre 1967 où ces derniers l’ont mis à la porte, le jour de ses 20 ans. Un père qualifié de minable, pleutre, couard — « mais cela ne se voit pas » —et une mère avec « un cœur de pierre et du sang de poisson dans les veines ». Le souvenir n’est pas le pardon !
* Minh Tran Huy, à qui l'on doit « la Double vie d’Anna Song », donne, avec « les Inconsolés » (3), un récit beau et cruel comme un conte. L’histoire commence bien, avec un amour qui fleurit dans une de ces écoles qui fabriquent les élites, entre une belle jeune fille transfuge de classe d’origine étrangère et un rejeton de la grande bourgeoisie. Lise a trouvé en Louis son prince charmant. Jusqu’au jour où l’enchantement se rompt, miné par les contingences du réel, les blessures de l’enfance, le poids des origines. De cette histoire assez ordinaire, Minh Tran Huy a fait un conte cruel, sorte de thriller fantastique, avec une victime qui dort au fond du lac et un assassin. Guidé par le fantôme, on découvre les dessous du drame et le rôle des protagonistes, côtés famille d’origine vietnamienne et famille parisienne. Une écriture envoûtante
* Après « Sangliers », prix Révélation 2017 de la Société des Gens de Lettres, Aurélien Delsaux raconte dans « Pour Luky » (4) une année de la vie de trois garçons en classe de Seconde, qui habitent les Renarts, un quartier HLM de province isolé du centre-ville. Luky, Diego et Abdoul s’ennuient, mais surtout ils redoutent autant qu’ils y croient l'avenir qui s’offre à eux, ils s’accrochent à leur enfance tout en lorgnant vers demain et ailleurs. On n’enseigne pas dix ans en collège et au lycée, comme l’auteur, sans avoir capté et compris la vie et les mots de ces jeunes de la périphérie. Pour, ensuite, sur fond de différences sociales et d’injustice, parler d’amitié et de fraternité choisie, de rêves et d’espérances.
* « À l’ombre des loups » (5) est le premier roman d'Alvydas Slepikas, un écrivain lituanien — poète, romancier, dramaturge, scénariste et réalisateur — peu connu en France. La Seconde Guerre mondiale vient de s’achever, c'est l’hiver 1945-1946. Des enfants originaires de Prusse orientale, donc allemands, souvent orphelins, se sont enfuis avec quelques femmes vers la Lituanie pour échapper aux brutalités des soldats russes et à la famine. En s’inspirant directement du témoignage de deux rescapées, l'auteur fait revivre, avec force et poésie, plusieurs destinées de ceux qu’on appelle les « enfants-loup », dont peu ont survécu, cachés dans la forêt, bravant le froid et la faim. Paru en 2012, le roman est un best-seller en Lituanie.
* Alors que tous les efforts convergent vers la renaissance du café d’excellence Arabica Typica en Martinique, Raphaël Confiant, qui vit dans l’île où il est né, rappelle dans « Grand Café Martinique » (6) la rocambolesque et véridique histoire dudit café, des origines à nos jours. Cela à travers les aventures du sieur Gabriel-Mathieu d’Erchigny de Cieu, qui, en 1702, à l’âge de 15 ans et ses galons d’enseigne de vaisseau en poche, a quitté la Normandie pour voguer vers la Martinique, a fait fortune avec la canne à sucre et est rentré en France avec l’idée de cultiver du café aux Antilles, cette boisson étant vendue à prix d'or dans les cours européennes. Avec quelles manigances il s’est procuré deux précieux plants et les embûches tragicomiques qui ont émaillé la traversée du retour sont le miel de ce roman d’aventures.
* Le nom d’Elizabeth Gilbert est lié à « Mange, prie, aime », livre dans lequel l'écrivaine américaine relatait, en 2008, son voyage d’un an en Italie, en Inde et à Bali à la recherche de son moi profond. Elle avait au moins trouvé le succès, avec des traductions dans plus de trente pays et la satisfaction de figurer parmi les 100 personnes les plus influentes du monde. « Au bonheur des filles » (7) marque son retour romanesque, avec une héroïne fille de bonne famille mais décidée, en 1940, à échapper au carcan familial et à vivre sa vie. Vivian a 19 ans lorsqu’elle découvre le monde du spectacle à New York et met à profit son don pour la couture en créant les costumes des artistes. Tout n’est que fête et amusement, jusqu’à ce qu’un scandale l’oblige à retourner dans sa famille. Mais quand on a goûté à la liberté, peut-on y renoncer ?
(1) Gallimard, 247 p., 19 €.(2)Éditions Grasset, 1789 p., 16,50 €.(3)Éditions Actes Sud, 310 p., 21,50 €.(4)Éditions Noir sur Blanc, 280 p., 18€(5)Éditions Flammarion, 235 p., 19 €(6)Éditions Mercure de France, 307 p., 22 €.(7)Éditions Calmann-Lévy, 425 p., 21,90 €