L’avancée en âge constitue une réelle épreuve marquée par de multiples pertes : sensorielles, physiques, cognitives… « Outre les pathologies chroniques ou invalidantes, les émotions et l’histoire de vie peuvent fragiliser le sujet. Nous constatons souvent une baisse des ressources psychiques lors du passage à la retraite. Certaines personnes nécessitent alors d'être accompagnées », souligne Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz, psychologue clinicienne et géronto-psychologue, au CHU de Nice.
Une évaluation minutieuse
L'évaluation du bien-être psychique d'un patient âgé passe par un entretien minutieux visant à mieux connaître sa qualité de vie et dépister d'éventuels troubles de l’humeur « Nous nous fondons sur un questionnaire d'anamnèse permettant d’explorer plusieurs sphères de la vie du patient : le sommeil, l’alimentation, l’intérêt dans les activités qui produisent habituellement du plaisir… », indique Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz. Le psychologue peut compléter l'anamnèse par l'utilisation d'échelles d'évaluations telles que la Geriatric Depression scale 15 (test de 15 questions). Il peut aussi recourir à l'échelle de dépression de Hamilton. « Ce test qui comprend 17 ou 21 questions (selon la version) est utilisé pour évaluer l'intensité des symptômes dépressifs, précise Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz. L'échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression scale) est également utile pour caractériser l'anxiété du sujet âgé. Lorsque cela est possible, je complète ces échelles en questionnant également l'aidant principal sur la qualité de vie et le niveau d'anxiété du patient ». L'examen clinique et les résultats des différents tests permettent au psychologue de proposer un diagnostic pour orienter le patient vers une prise en charge psychologique adaptée.
Une prise en charge complexe
En raison du déclin cognitif et des comorbidités liés à l'âge, le diagnostic est souvent compliqué. Une étude souligne ainsi que la dépression des personnes âgées est souvent sous-diagnostiquée, mal traitée ou sous-traitée (1). Lorsqu'une dépression majeure est diagnostiquée, le médecin peut prescrire un traitement médicamenteux associé à une psychothérapie et une activité physique adaptée. « En ce qui concerne les psychotropes, mieux vaut faire appel à un gériatre pour éviter les effets secondaires et iatrogènes des traitements. En cas d'anxiété, les benzodiazépines doivent être évitées (risque accru de troubles cognitifs, psychomoteurs et du comportement). Dans un rapport de 2012 (2), la Haute Autorité de la Santé indique que les benzodiazépines à demi-vie longue sont considérées comme inappropriées chez les sujets âgés du fait d’un surrisque iatrogénique », assure Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz.
Des thérapies personnalisées
L'importance du suivi psychothérapeutique des personnes âgées dépressives, anxieuses ou souffrant d'une pathologie neurodégénérative reste sous-estimée. « Les thérapies brèves - telles que les thérapies cognitives et comportementales (TCC) - peuvent être efficaces chez les patients sans trouble cognitif sévère. En séance, nous leur apprenons, par exemple, à repérer leurs pensées automatiques, sources de ruminations pour les remplacer par des pensées alternatives plus rationnelles. Des exercices comportementaux peuvent également être prescrits à domicile ». Souvent, les personnes âgées ont accumulé les évènements de vie traumatiques : décès du conjoint, déménagements, maladies, chutes… « L'impact de ces évènements sur le psychisme n'est pas assez pris en compte dans le monde sanitaire. Or, ils peuvent favoriser l'isolement et la diminution de l'activité physique qui s'accompagne notamment d'une fonte musculaire délétère. Peu connue, l'EMDR (eye movement desensitization and reprocessing) est une thérapie intéressante pour aider à surmonter un stress post-traumatique, y compris chez les personnes âgées », explique Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz.
Même lorsque le patient présente une démence à un stade avancé, des séances de relaxation, de méditation de pleine conscience ou d'hypnose peuvent aider à réduire sa souffrance. « Par ailleurs, il faudrait former davantage les intervenants à domicile et les équipes soignantes aux problématiques liées à la démence. L'éducation des proches et aidants a un réel impact sur le comportement de la personne malade et sur son bien-être psychique. Cela permet également d'éviter le recours trop systématique aux urgences et de maintenir la personne âgée aussi longtemps que possible à domicile », conclut Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz.
(1) Kok RM, Reynolds CF III, JAMA. 2017 May 23;317(20):2114-2122
(2) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2012-05/3_ipc_bzd_…