Un chiffre illustre la vitalité de l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans la santé. Outre-Atlantique, la Food and Drug Administration (FDA) a d’ores et déjà autorisé un millier de dispositifs médicaux connectés avec de l’IA.
Cette dynamique mondiale se retrouve dans les hôpitaux français. Dans son dernier baromètre*, la Fédération hospitalière de France (FHF) a identifié de premiers signaux sur cet intérêt en progression. Il y est notamment indiqué que 57 % des hôpitaux positionnent l’IA avant tout comme un outil pour fiabiliser et accélérer les diagnostics (détection précoce des cancers sur les images, interprétation automatisée des examens biologiques…). « Cela traduit une volonté de sécurisation clinique et de qualité des prises en charge », analyse la fédération.
Par ailleurs, 65 % des établissements interrogés disent utiliser quotidiennement des applications faisant appel à l'IA, courante depuis longtemps dans certaines disciplines comme la radiologie. Surtout, 90 % des hôpitaux s’estiment désormais prêts à se lancer dans des projets d’IA d'ici à trois ans. Preuve que le train est en marche.
Un cercle vertueux pour les soins
Présent aux universités d’été de la FHF, le Pr Vincent Vuiblet, directeur de l’institut d’IA en santé (I2AS) de l’université de Reims Champagne-Ardenne, considère l’IA comme une double opportunité pour les professionnels de santé. « Elle apporte aux patients la qualité de soin et aux médecins de la donnée pour leur permettre d’alimenter les algorithmes qui vont à leur tour améliorer la prise en charge du patient », détaille le néphrologue. La boucle du cercle vertueux est bouclée.
Si le baromètre de la FHF montre que le corps médical n’est pas réfractaire à l’usage de l’IA, dans les faits, les praticiens doivent tout de même accepter de changer drastiquement leurs pratiques. « Au début de ma carrière, je passais 80 % de mon temps à consulter mon patient, confirme le Pr Vuiblet. Aujourd’hui, plus de la moitié de mon temps est consacré à nourrir en données son dossier. »
Les hôpitaux ne sont pas tous au même niveau d’acceptation. Certains traînent encore des pieds, faute d’intérêt, de moyens et de connaissances du sujet. D’autres, comme le CHU de Toulouse, font partie des pionniers. En juin, l’hôpital a franchi une nouvelle étape en mettant en conformité son entrepôt de données de santé (EDS) avec les exigences de la Cnil. « Nous avons été le premier CHU dans ce cas, se félicite Jean-François Lefebvre, directeur général de l’établissement qui bénéficie d’un million d’aides de l’État pour le développement de l’EDS. C’est un levier considérable pour déployer massivement la médecine prédictive dans nos activités de recherche et de soins. »
Création de patients artificiels
Dans les faits, le CHU s’est lancé dans le projet Simbiotic, porté par le Dr Fabrice Ferré, praticien anesthésiste. « À partir de 500 patients réels du CHU pour lesquels nous avons examiné 85 critères cliniques, nous avons généré avec l’aide d’une IA 10 000 patients artificiels, explique le spécialiste. L’intérêt pour nous, médecins, est d’identifier en amont les profils des patients qui risquent d’être douloureux et donc de prédire la survenue de complications post-opératoires. »
Autrement dit, la qualité et l’ensemble du parcours de soins sont améliorés, pointe le Dr Ferré. Et d’insister : « Si un patient est à fort risque de complication, nous intervenons en amont de l’intervention, par exemple en équilibrant son traitement. »
Au CHU occitan, la néphrologie s’appuie aussi sur une IA couplée à une intervention humaine afin d’améliorer l’identification des patients éligibles à des greffes. « Depuis son déploiement en 2022, près de 1 000 patients éligibles ont été identifiés contre 700 auparavant. Cela nous permet de mieux anticiper leur prise en charge et, là encore, d’améliorer leur parcours de soins », souligne le Pr Nassim Kamar, néphrologue.
Dernier projet pilote particulièrement avancé dans l’établissement, DyPO-ICU (Dynamic Prediction of Outcome in Intensive Care Unit) est un algorithme qui analyse les paramètres des patients en soins intensifs afin d’évaluer en temps réel la gravité de leur état. Et donc d’éviter des morbidités.
* Réalisé en juillet 2025 auprès de 110 établissements, dont 73 hôpitaux supports de groupements hospitaliers de territoire (GHT) et 15 structures médico-sociales
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