Traitements miraculeux, pseudo-thérapies fantaisistes, faux thérapeutes… Le domaine de la santé apparaît comme un terrain favorable à certaines dérives sectaires. « 40 % des cas d’emprise mentale concernent le domaine de la santé », rappelle Laure Telo, présidente du Centre contre les manipulations mentales (CCMM), association d’aide et d’accompagnement des dérives sectaires qui organisait son colloque annuel, le 16 octobre dernier à Paris.
La Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contres les Dérives Sectaires (MIVILUDES) estime à 100 000 le nombre de praticiens « parallèles » et a répertorié 250 appellations (kinésiologie, Reiki, énergiologie, etc.). Selon l’Organisation mondiale de la santé, 75 % des Français et 28 % des malades atteints de cancer ont eu recours au moins une fois à un traitement complémentaire. Le domaine de la médecine parallèle et du bien-être représente ainsi un marché de plusieurs milliards d’euros. « Si les Témoins de Jéhovah ou l’église de la Scientologie et leurs discours contre la médecine sont relativement connus du grand public, un grand nombre de petites structures évoluent sur ce créneau », constate Laure Telo qui cite pour exemple une offre de stages « jeûne et randonnée » qui « coûtent très chers et sont réalisés sans aucune surveillance médicale ».
Si certaines de ces pratiques thérapeutiques alternatives apparaissent inoffensives, d’autres deviennent sectaires dès lors qu'elles essaient de faire adhérer le patient à une croyance, à un nouveau mode de pensée. « Il y a alors un endoctrinement, une sujétion psychologique qui conduit petit à petit à rompre avec la médecine conventionnelle, puis avec sa famille et son environnement », observait Samir Khalfaoui, conseiller santé à la MIVILUDES, lors d’un précédent colloque du CCMM.
Les cibles de ces pseudo-thérapeutes sont souvent les plus vulnérables et les moins informés. « Les gourous exploitent la peur de la maladie et recourent à la pensée magique », explique Laure Telo. Certaines de ces pseudo-médecines « s’appuient sur la théorie du complot des laboratoires pharmaceutiques pour nourrir un discours profondément antimédecine conventionnelle », complète Samir Khalfaoui. Les gourous apportent alors leurs propres remèdes, rappelant sans cesse que les vaccins sont empoisonnés ou les médicaments, dangereux pour la santé.
Les patients se tournent également vers ce qu’ils ont parfois du mal à trouver dans la médecine conventionnelle . « L’absence de professionnels de santé à proximité de son lieu de vie, des rendez-vous éloignés dans le temps, des temps de consultation réduits… Ces éléments favorisent le recours à des pratiques alternatives. Il s’agit parfois seulement de trouver une écoute que le médecin n’a pas le temps d’accorder », analyse Laure Telo.
Le phénomène est amplifié par les médias qui mettent en avant la mode du bien-être et relaie des discours pseudo-scientifiques. De même, Internet et les réseaux sociaux sont un facteur amplificateur. Les algorithmes de recherche en ligne tendent en effet à favoriser l’accès à une information confirmant les croyances.
Les conséquences sur la santé des patients concernés peuvent être dramatiques. Certains, pourtant atteints de maladies graves, cessent leurs traitements. Citons l’exemple de Steve Jobs qui a repoussé la prise d’un traitement contre le cancer en s’engageant dans une « thérapie » à base de jus de légumes. Certains patients refusent par ailleurs certaines pratiques médicales. C’est le cas des Témoins de Jehovah avec le refus des transfusions sanguines. C’est aussi ce que l’on retrouve dans les mouvements contre la vaccination.
Pour lutter contre les professionnels déviants, la MIVILUDES a signé des conventions de partenariats avec les professionnels de santé et notamment le Conseil National de l’Ordre des médecins (CNOM). Certains médecins s’engagent également dans l’espace publique pour dénoncer les discours et pratiques associées qui ne s’appuient pas sur des preuves scientifiques. La tribune contre les « Fake Médecines » a ainsi relancé le débat sur la pertinence de l’homéopathie et a abouti au déremboursement des produits homéopathiques. « Il s’agit d’une démarche salutaire », commente Laure Telo. Selon elle, les médecins ont également un rôle à jouer auprès de leurs patients. « Le patient n’attend plus seulement un traitement. Il veut comprendre et être compris.
S’il ne trouve pas de réponse, il se tournera vers ceux qui la lui donneront. Les médecins doivent ainsi permettre aux patients de faire des choix en connaissance de cause. Ils doivent faire en sorte que les patients prennent la meilleure décision pour eux-mêmes quand on leur a présenté l’ensemble des options », conclut-elle.