Chaque jour qui nous sépare du 20 janvier, date de la transition entre le président sortant et le président élu, apporte son questionnement : qu'est-ce que Trump peut inventer pour renverser les résultats des élections législatives et présidentielles de novembre dernier ? De quelle manière son autoritarisme et son cynisme peuvent encore innover ? Quelle influence délétère peut-il encore avoir sur le fonctionnement de la démocratie la plus puissante du monde et saura-t-elle s'en relever ?
Plutôt que l'accabler d'imprécations incessantes et inutiles, il faut s'en tenir au comportement de Joe Biden, son successeur, et laisser les institutions poursuivre et achever leur œuvre. Plutôt que réserver son jugement sur Biden, exprimer son scepticisme sur son style, son âge et ses capacités à réconcilier deux courants éloignés par une faille aussi profonde que la fosse sismique de San Andreas, il semble préférable de se tourner, quoi qu'il arrive, vers le verdict des urnes. Il faut que les Américains administrent la preuve que leur démocratie progresse en dépit des assauts scandaleux dont elle est victime. Il faut que la tache historique infligée par Trump, dénominateur commun de toutes les bassesses, soit effacée par le triomphe du suffrage universel.
Ce ne sera pas une tâche facile car Trump est soutenu par une moitié du peuple américain. Il bénéficie en outre de son indulgence et il n'y a rien qu'il fasse, aucun délit ou crime qu'il commette contre la Constitution qui le séparent de ses affidés. Cependant, la vie politique des États-Unis va forcément évoluer avec l'arrivée à la Maison Blanche d'un président qui entend faire du retour à la normale sa vocation profonde. Si Trump, dans son délire, a vu dans les faits alternatifs une autre option que celle dictée par le scrutin, Biden réhabilitera le vote, le principe un homme, une voix, la réalité des faits hors desquels il n'existe aucune gestion valable du pays.
Il faut une bonne cause
Les élus démocrates -et, avec eux, nombre de leurs collègues républicains- se sont inquiétés de ce que Trump détienne encore les clés nucléaires jusqu'au 20 janvier. Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants, a donc contacté l'état-major pour lui signifier qu'il ne pouvait obéir à un ordre de Trump sans, au préalable, consulter le Congrès. Des voyous peuvent dévaster le Capitole, ils n'auront jamais le dernier mot. Trump leur a demandé d'empêcher la certification de sa défaite, son propre vice-président, Mike Pence, a fini, à 3H30 du matin, par annoncer la victoire de Joe Biden et de Kamala Harris.
Dans ce début de guerre civile lancé sur Facebook et Twitter, lequel a fermé le compte du président sortant, l'incivisme du président en exercice a été combattu par la fermeté et la froide colère de tous les élus attachés à ce système que Trump voulait renverser, comme dans une république bananière, ainsi que l'a signifié l'ancien président républicain George W. Bush. Mais il faut pas s'y tromper : s'il faut savoir se battre contre un terrible danger, il faut en même temps défendre une cause valable. Les quatre ans du mandat de Trump ne se sont terminés par une pantalonnade grotesque que parce qu'à la sincérité, à la compassion pour son peuple, au respect des règles les plus élémentaires, il a préféré la démagogie, le mensonge, le populisme, le cynisme et qu'il a carrément embrassé l'illégalité.
Il est désormais trop tard, à cinq jours de la transition, pour le destituer, même en recourant à l'article 25 de la Constitution qui prévoit une action rapide du Congrès. Il a dit qu'il n'assisterait pas à la prestation de serment de Joe Biden, mais l'Amérique peut se passer de sa présence. Pendant quatre ans, il a bénéficié de l'immunité présidentielle. Le 20 de ce mois, il redeviendra un citoyen lambda, un justiciable comme les autres. Gageons qu'il y a assez de procureurs aux États-Unis pour lancer quelques investigations sur le bilan d'un président véreux et d'un homme d'affaires malhonnête.