« Le Nouvel Extrémisme de droite » est la transcription d'une conférence donnée par Adorno en 1967 à l'université de Vienne, à l'invitation de l'Union des étudiants socialistes d'Autriche, sur la remontée de l'extrême-droite en Allemagne. C'est l'essor inquiétant du NPD (parti national-démocrate, fondé en 1964), un authentique néonazisme qui, deux ans plus tard, ratera de peu l'entrée au Bundestag.
L'idée que combat Adorno, avec une vraie force de persuasion, est que le monde a changé. On observe un regroupement autour de quelques blocs immenses qui intègrent, absorbent nations et États, lesquels n'ont plus qu'un rôle secondaire. On en tire hâtivement la conclusion que le nationalisme ne joue plus aucun rôle véritable. Adorno exprime ceci dans son style apte à véhiculer pas mal d'angoisse. « Il arrive au contraire très souvent que des convictions et des idéologies prennent leur caractère démoniaque, leur aspect authentiquement destructeur, au moment précis où la situation objective les prive d'une partie de leur substance. »
Le philosophe note que le fascisme a su se répandre dans toutes les couches de la population, mais, avant tout, là où règne une forte inquiétude concernant l'avenir, comme chez les paysans et les petits-bourgeois, et on en trouverait une illustration dans un récent exemple français.
C'est avec beaucoup de talent qu'Adorno reprend les méthodes de mensonge et d'intoxication héritées par le NPD en ligne directe du nazisme. Ainsi, l'homme instable est un « un homme de l'air », ne pas dire « juif » mais « intellectuel de gauche », truquer les chiffres (dans une réunion électorale, le montant des versements, réparations à Israël est multiplié par dix). Ou encore prendre un fait et le découper à l'infini, en inventant des conséquences, c'est « la méthode salami ». On trouve aussi chez le NPD cette rengaine selon laquelle le nazisme était un mouvement sain dont les épiphénomènes auraient été condamnables.
Theodor W. Adorno n'est plus, mais la situation de nombreux pays européens, aujourd'hui marqués par une forte crispation identitaire, lui donne raison. Qui a dit que l'Histoire ne repasse jamais les plats ?
Teodor W. Adorno, « Le Nouvel Extrémisme de droite », Climats, 120 p., 14 €