« En juillet, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a clairement affirmé sa volonté de mettre en œuvre de nouveaux modes de paiement liés à la pertinence et à la qualité des actes. C’est un projet politique dans lequel les gastroentérologues souhaitent s’inscrire pleinement », indique le Dr Franck Devulder, président du Syndicat national des médecins spécialistes de l’appareil digestif (Synmad). « C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés depuis 2016 dans un mouvement visant à permettre une meilleure rémunération de l’exercice des gastroentérologues respectant les critères de qualité liés à la réalisation des coloscopies. Et ce, sans punir ceux qui, pour une raison ou une autre, doivent encore progresser », ajoute-t-il.
Des critères de qualité chiffrés
Plusieurs pays européens ont déjà réfléchi aux différents moyens d’améliorer la qualité de l’examen coloscopique avec des critères chiffrés à atteindre. « C’est un domaine dans lequel nous avions pris un peu de retard. Nous avons commencé à le combler quand, en 2016, nous avons planché sur le sujet avec la Société française d’endoscopie digestive (SFED). À la fin 2018, nous avons publié ensemble les critères de qualité de la coloscopie et les critères de qualité du compte rendu coloscopique. Deux publications qui sont accessibles sur le site de la SFED et du CNP HGE (Conseil national professionnel en hépatogastroentérologie) », précise le Dr Devulder, en soulignant l’intérêt de mettre en place des objectifs chiffrés.
« Une coloscopie, cela sert à faire de la prévention du cancer colorectal. Et une coloscopie de qualité, c’est un examen qui trouve des polypes adénomateux très souvent précurseurs du cancer colorectal. Voilà pourquoi il est judicieux de mettre en place des critères chiffrés à atteindre. Ces critères sont bien sûr différents en fonction du profil des patients. Pour ceux qui ont eu un test positif au dépistage, nous avons retenu un taux de détection des polypes adénomateux supérieur à 45 %. Pour tous les autres patients âgés de plus de 50 ans (en dehors des coloscopies en urgence, des coloscopies thérapeutiques, des coloscopies pour MICI et des coloscopies pour maladies génétiques), on a retenu un taux de détection de 25 %. Avec ces critères, on rejoint les recommandations européennes et nord-américaines », indique le Dr Devulder.
Des comptes rendus standardisés
Pour que les pratiques progressent de manière uniforme, il est nécessaire, selon le président du Synmad, de mettre en place un outil informatisé à la disposition des gastroentérologues privés comme publics afin qu’ils puissent faire des comptes rendus standardisés. « Il faut que tout le monde parle le même langage en matière de coloscopie. Et les données de ces comptes rendus coloscopiques devront ensuite être remontées vers notre Collège national professionnel ainsi que vers la CNAM et l’InCA. À terme, la publication de ces données permettra à chaque gastroentérologue de situer sa pratique par rapport à celle de l’ensemble de ses confrères. De voir s’il est, ou pas, dans les clous et ainsi prendre les mesures nécessaire pour améliorer sa pratique », estime le Dr Devulder.
« Chaque année, on fait 1,4 million de coloscopies en France. Et ne pas s’intéresser à la qualité des examens, c’est une faute », indique le Dr Devulder, en plaidant pour la mise en place d’un mode de paiement à la qualité. « Nous ne voulons pas d’un système coercitif où on irait sanctionner les gastroentérologues qui n’atteindraient pas les objectifs chiffrés des recommandations. Dans ce cas, la première démarche sera de comprendre les raisons de cette situation. Si un médecin n’atteint pas ses objectifs, c’est peut-être parce qu’il exerce dans un environnement professionnel défavorable. Et c’est en misant sur l’incitation qu’on fera progresser la qualité des pratiques. Et cela passe par une valorisation financière de ceux qui font des coloscopies de qualité », indique le Dr Devulder, en précisant que ce message semble « intéresser Nicolas Revel, le patron de l’Assurance-maladie avec lequel nous avons évoqué le sujet en septembre ».