Thème abordé lors des récents états généraux annuels de notre collectif Femmes de santé, la bonne santé mentale est une notion large, qui concerne tout le monde. Selon l’OMS, c’est un « état de bien-être mental qui permet de faire face aux sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre ou de bien travailler et de contribuer à la vie de notre communauté ». Ça fait rêver, non ?
Les troubles de la santé mentale touchent pourtant près de 13 millions de Français et, là comme ailleurs, les femmes ne sont pas à la fête. Si la recherche n’a pas constaté de différences criantes entre les sexes dans les taux de diagnostic de la schizophrénie ou du trouble bipolaire, les femmes sont préférentiellement atteintes de troubles anxieux, troubles de la conduite alimentaire, syndrome de stress post-traumatique et dépression. La puberté, le cycle menstruel, la grossesse et la transition ménopausique les exposent, de plus, à des pathologies spécifiques, comme le trouble dysphorique prémenstruel, la dépression périnatale ou la dépression (péri)ménopausique.
Des spécificités liées à l’âge…
Les jeunes sont les plus touchés par le mal-être. Une adolescente française sur deux déclare avoir déjà vécu un épisode de « détresse psychique », contre 25 % chez les garçons. Les transformations du corps, l’arrivée des règles ou la découverte de la sexualité peuvent contribuer aux troubles anxieux ou dépressifs, parfois renforcés par les multiples injonctions sociales (et des réseaux sociaux !) ou le harcèlement liés à l’image corporelle.
Les maladies gynécologiques comme l’endométriose, le fibrome, le SOPK ou l’infertilité féminine impactent aussi fortement la santé psychique des femmes. Pathologies chroniques et complexes, elles génèrent une charge mentale importante, que ce soit par leurs conséquences sur tous les aspects de la vie quotidienne, la gestion des symptômes, les inquiétudes sur la fertilité ultérieure et les parcours médicaux, souvent lourds et prolongés.
La dépression périnatale est considérée comme un « problème majeur » par Santé publique France
Dans de nombreuses situations, la grossesse et l’accouchement sont des événements à haut risque pour la santé des femmes. L’OMS estime que près de 95 % des décès maternels en 2020 sont survenus dans des pays à revenu faible ou intermédiaire et que la plupart auraient pu être évités. On pourrait croire qu’on est bien à l’abri de tout ça. On aurait tort. La dépression périnatale en France est considérée comme un « problème majeur » par Santé publique France. La dernière enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM 2016-2018) montre en effet que le suicide représente, dans le pays, la principale cause de mortalité maternelle dans la première année qui suit l’accouchement, dépassant même les maladies cardiovasculaires ! Pourtant, la majorité des dépressions périnatales passent inaperçues et 85 % des patientes ne bénéficient d’aucune mesure thérapeutique. Une vigilance particulière s’impose donc aux premiers signes de détresse émotionnelle à cette période.
Enfin, nous savons tous que les seniors représenteront près du tiers de la population en 2070. Si la périménopause coïncide souvent avec des problèmes de santé liés à l’âge, à des transitions de rôle ou à la prise en charge des enfants ou des parents, les taux de dépression y sont deux à trois fois supérieurs à ceux des femmes avant ou à distance de la ménopause. La mauvaise santé mentale majorant le risque d’accident cardiovasculaire de 56 %, la fondation Agir pour le cœur des femmes vient d’alerter sur l’urgente nécessité de mieux prendre en compte les liens étroits entre la santé mentale et les maladies cardiovasculaires.
… et des facteurs psychosociaux
Au-delà des inégalités biologiques, les chercheurs recensent différents facteurs psychosociaux susceptibles d’avoir un impact sur la santé mentale des femmes. Les inégalités structurelles entre les femmes et les hommes – rôles sociaux, gestion du stress et charge mentale, violences sexistes et sexuelles, situations de précarité notamment chez les mères isolées et les femmes âgées – sont autant de facteurs défavorables.
Favoriser une approche genrée de la santé mentale est donc devenu strictement indispensable. C’est reconnaître que la santé mentale (mais pas que…) des femmes est autant façonnée par les différences biologiques que par les réalités sociales. Mais c’est surtout se donner les moyens d’élaborer des pratiques de soins et des politiques publiques spécifiquement adaptées à leurs besoins.
D’ici là, une chose est sûre : le fardeau sanitaire, économique et social induit par les troubles de la santé mentale en France aura bien besoin d’au moins deux ans d’efforts pour s’alléger un peu…
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