« J'ai passé ma vie à explorer et à expliquer la philosophie », dit Roger-Pol Droit. En particulier Platon et son vieux maître Socrate, qui semblent d'autant plus intéressants qu'ils sont fondateurs de pensée et en même temps si loin de nous, si hors du temps.
D'où l'intérêt, et aussi l'amusement, à imaginer que le philosophe grec revienne parmi nous et essayer d'entrevoir ce qui pourrait le choquer et le séduire. Il faut un effort pour se représenter Platon s'intéressant à nos smartphones, rencontrant Teddy Riner, Bob Dylan ou Thomas Pesquet, scrutant les mécanismes de Pôle emploi ou de la COP 21, découvrant Macron, Mélanchon, Kim Jong-un… Mais Roger-Pol Droit promène Platon partout dans notre XXIe siècle, avec aisance et non sans humour.
Pourquoi Platon plutôt que d'autres grands penseurs ? N'est-il pas « bicéphale », n'abrite-t-il pas, en plus de sa propre personnalité, toute la malice de son maître Socrate ? Et quoi de plus astucieux, piégeur, qu'un philosophe qui professe ne rien savoir et met en scène de faux naïfs, tel Lachès, un général qui se déclare incapable de définir le courage. Et de rappeler que dans la Grèce antique, questionner se disait « Ironie » !
La personnalité platonicienne est elle-même divisée en trois parties, souvent en guerre les unes contre les autres. L'Epithumia, ou désir, n'a pas le sens volontiers libidineux que l'on accorde à ce système, il est avant tout manque. Le Thumos représente la vaillance qui précisément triomphe de ce manque. Enfin le Noûs représente la rigueur de l'esprit, la pensée qui triomphe des calculs et des pulsions. L'obsession, c'est l'équilibre de ces trois parties, alors que l'une d'entre elles l'emporte le plus souvent.
Incroyablement actuel, Roger-Pol Droit donne sur l'intérêt de Platon pour le sport, entre autres, des pages qui en surprendront plus d'un.
Roger-Pol Droit, « Et si Platon revenait... - Un regard philosophique sur le monde d'aujourd'hui », Albin Michel/Espaces libres, 336 p., 99 €.