ON POURRAIT DIRE, comme « le Point », que personne n’a gagné, mais, en toute sobriété, la Nupes, coalition des gauches, a fait, au premier tour des législatives un score qui va contraindre Emmanuel Macron à chercher les voix qui lui manqueront à l’Assemblée. On sait déjà que la macronie ne devance la Nupes que de 20 000 voix ; que deux ministres ont été éliminés dès le premier tour ; que deux autres sont en ballottage défavorable, que la gauche va aligner quelque 200 députés, que les projections accordent à Ensemble (Macron) entre 255 et 295 sièges, le bas de la fourchette l’empêchant de gouverner. Pour les macronistes, il y a pas là de quoi se réjouir, même si la Première ministre, Élisabeth Borne est en ballottage favorable dans le Calvados.
D’autant que M. Mélenchon a tiré de son succès les avantages d’un triomphe en affirmant qu’il aura la majorité au second tour, qu’il gouvernera, que le macronisme est périmé. Pour contenir ce torrent de démagogie, Macron en appelle au devoir civique, réclame à son électorat leur vote au second tour, et compte sur les réserves en suffrages que les mélenchonistes n’ont pas puisqu’ils ont déjà formé une coalition avec le reste de la gauche. D’aucuns suggèrent au pouvoir une réflexion suicidaire, par exemple une dissolution de la nouvelle assemblée, ce qui exige deux nouveaux tours de législatives pour une population exténuée par de trop nombreux rendez-vous électoraux. Alors que M. Macron peut trouver cher certains abstentionnistes et à la suite d’un accord de gouvernement avec les Républicains de quoi nourrir son camp.
L’enjeu est certes entre la droite la gauche, mais il est surtout entre l’extrême gauche et le centre. Il est entre deux projets, l’un dispendieux, anti-européen et dangereux. Pensez moins à ce que Macron va faire ou ne va pas faire, pensez à ce que Mélenchon fera inéluctablement : main basse sur les avoirs des « riches », c’est-à-dire de la classe moyenne, hausse d’une taxation déjà affreusement élevée, inflation, et menace du retour au franc, ou, pour dire les choses clairement, expérience de la misère, pénuries, appauvrissement.
On ne manquera pas de se livrer à une méditation susceptible d’expliquer pourquoi les écologistes et les socialistes, par simple haine du macronisme, se sont ralliés au mélenchonisme, en trahissant leurs idéaux démocratiques. En même temps, le camp de Macron a été largement averti. Il savait quelle machine de guerre était la Nupes, il savait que, même si l’alliance se décomposerait sous les pressions des responsabilités législatives, elle risquait d’amener un trop grand nombre de députés à l’Assemblée. Il aurait dû déminer la société française immédiatement après la réélection de Macron.
Deux projets très différents
Ce n’est que justice. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours favorise les forts afin de stabiliser l’exécutif. Il a favorisé Macron en 2017, voilà qu’il vole au secours de Mélenchon, capable d’envoyer à l’Assemblée entre 150 et 200 députés. En revanche, la logique du quinquennat n’a pas joué : les Français ont réélu Macron malgré la dent qu’ils avaient contre lui, ils ont trouvé drôle, sinon logique, de ne pas lui donner d’office une majorité absolue. En d’autres termes, il n’y a pas meilleur que lui, mais s’il est fort, qu’il se débrouille.
La comparaison entre les deux projets ne tient pas. Celui de Mélenchon contient plusieurs menaces : une menace monétaire, un déficit croissant, une dette énorme, une paupérisation certaine, les réformes mélenchonistes n’ayant qu’un seul but : transférer aux plus pauvres l’argent des plus riches, sans que l’on sache à quel moment on est riche. Mais quoi de surprenant ? C’est la démagogie qui triomphe, c’est la démocratie qu’on assassine. On ne fera pas de tels chamboulements sans que nombre de possédants ne fassent pas l’effort de passer entre les gouttes. ils le font déjà avec des dirigeants plus calmes que M. Mélenchon, mais dans un pays dont la pression fiscale est énorme.
Macron aura compris le message : le peuple compte sur son ingéniosité pour gouverner quand même, pourvu qu’il abandonne son arrogance impériale. Je suis sûr qu’il a compris le message mais beaucoup moins sûr qu’il saura sortir de la tempête.