Les enquêtes soulignent que la grogne populaire le poursuit, en particulier à cause de la gestion de la pandémie par l'exécutif. Les discours du gouvernement n'apportent pas à un peuple paniqué la sérénité nécessaire à la reconstitution de son électorat. Et il ne fait pas l'ombre d'un doute que sa réussite ou sa défaite politiques dépendent étroitement du résultat de la vaccination. Pendant que le Premier ministre se félicite un peu vite du premier million de citoyens vaccinés en un mois, des millions de personnes de plus de 75 ans sont dans l'incapacité d'obtenir le premier rendez-vous et aucune aide particulière ne leur est apportée par les mairies ou les services sociaux. D'où une perte de confiance dans une partie importante de ce qui est considéré comme son électorat naturel, les personnes âgées.
Tout cela est vrai sur le plan purement conjoncturel mais peut changer dans les semaines et les mois à venir. L'exécutif riposte en annonçant (imprudemment) que les retards seront rattrapés et que tous les Français seront vaccinés à la fin du mois d'août, assez tôt en effet pour que le virus ne demeure pas la pomme de discorde entre dirigeants et dirigés. La performance du chef de l'État, dans les conditions chaotiques où évolue cette année la société française, peut être considérée comme miraculeuse. Mais elle s'explique, au moins partiellement, par la contribution massive et onéreuse de l'État à la protection des emplois et des entreprises. On n'avait jamais assisté à un tel effondrement économique depuis trois-quarts de siècle, on n'avait jamais vu non plus tant d'argent mis à la disposition de la santé économique et du bien-être de nos concitoyens, avec une baisse du nombre de faillites en 2020.
Macron ne sera pas « empêché »
Il n'empêche que le tableau actuel, dont les aspects positifs sont largement masqués par une très mauvaise campagne vaccinale, n'est qu'un moment dans le premier mandat présidentiel de M. Macron. Le temps ne joue pas en sa faveur. Cependant, nous serons préoccupés par 2022 bien avant la fin de l'année. Un sondage Harris-Interactive indique que Marine Le Pen (24 à 26 %) et Emmanuel Macron (23 à 24 %) font la course en tête. Personne d'autre n'arrive à plus de 16 %.
Or que peut-il arriver au chef de l'État entretemps ? La réponse immédiate qui vient à l'esprit, c'est qu'il peut arriver n'importe quoi, à commencer par un virus et des variants indestructibles. C'est une thèse pessimiste que la science n'entérinera pas. Il y aura plusieurs vaccins sur le marché, le variant britannique ne résiste pas aux vaccins actuels, les autres souches peuvent être écartées par une prévention draconienne. Aussi lent qu'ait été le démarrage de la campagne vaccinale, aussi absurde que soit le retard de Pfizer, les onze mois qu'il reste de 2021 nous semblent suffisants pour que le pari lancé par M. Castex soit tenu : tout le monde aura été vacciné avant la fin de l'année.
Les réseaux sociaux ne sont pas les seuls à dévorer du Macron à toutes les heures de la journée ; les débats radiodiffusés et télévisés sont tous empreints d'une forte connotation anti-Macron qui frise l'hystérie : il n'aurait rien fait depuis trois ans. Faut-il rappeler aux amnésiques les nombreuses réformes mises en place par Emmanuel Macron, par exemple celle du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu qui s'est passé comme une lettre à la poste ? Ou la réforme du travail ? Ou celle en cours des relations avec l'islam, sur l'environnement, sur la sécurité ? La question n'est pas de savoir si Macron est populaire ou non, elle porte sur l'impopularité de mesures qui changent le pays mais ne l'empêchent pas de se présenter pour un second mandat.