Le concept d’urgence palliative est récent. De ce fait, il n’est pas encore bien assimilé ni par les médecins traitants, ni par les équipes de Smur qui interviennent au domicile des patients. Quel est-il ? Interrogé par Le Quotidien, le Dr Yohan Gil, en charge de l’enseignement des soins palliatifs aux étudiants en DESC de médecine d’urgence en Île-de-France, explique : « Parfois, chez les patients en fin de vie, le seul acte diagnostique ou thérapeutique que peut proposer en urgence le médecin consiste en un accompagnement principalement symptomatique. L’idée est de permettre la meilleure qualité de fin de vie possible pour les patients, en prenant aussi en compte les proches afin qu’ils gèrent au mieux cette situation anxiogène. Un traitement étiologique peut être proposé dans un second temps. Et, dans certains cas, il ne sera même pas mis en place. » En 2025, selon une estimation de la Cour des comptes, près de 470 000 personnes en fin de vie seraient susceptibles de bénéficier de soins palliatifs (sur 796 000 décès attendus) (1).
Une fiche de communication pour améliorer la prise en charge
Dans le contexte de fin de vie au domicile, la relation médecin-patient est complexe. Ce sont surtout les praticiens des Smur qui y sont confrontés, à la suite d’un appel de détresse de la famille demandant à transférer le patient – alors incapables d’exprimer sa volonté – dans des services d’urgences ou d’hospitalisation. Or les médecins qui interviennent ne connaissent pas ces patients et ont peu d’informations sur leur parcours médical. Une situation loin d’être simple, d’autant plus que le temps passé auprès des patients par les équipes de Smur est compté. Pour ne pas peser sur les autres équipes de garde, un transport aux urgences est souvent privilégié.
La communication entre les équipes qui interviennent en urgence, les équipes de soins à domicile (HAD principalement) et les familles est un élément essentiel pour gérer les urgences palliatives. C’est sur ce sujet que le Dr Alice Jouve a choisi de réaliser son travail de thèse (2), sous la direction du Dr Yohan Gil. L’idée était de mettre en place un outil de communication privilégié entre les équipes extérieures intervenant au domicile (Smur) et les intervenants de l’hospitalisation à domicile (HAD).
La Dr Jouve a pris son exemple en région parisienne, où une HAD palliative de l’AP-HP (Pallidom) permet le respect des volontés du patient de rester au domicile pour sa fin de vie. Mais ce travail est transposable à l’ensemble des régions françaises où interviennent des équipes mobiles ou des réseaux de soins palliatifs. Le manque d’informations médicales (en particulier quand des limitations de soins ont été actées), l’absence d’accès aux désirs formulés du patient (même si des modifications sont possibles au cours de l’évolution de la maladie), l’impossibilité de collégialité (difficulté de contact avec le médecin traitant ou les services hospitaliers de référence) font que la prise en charge en urgence ne s’inscrit pas souvent dans un contexte palliatif pur (gestes invasifs, transfert inutile à l’hôpital…).
Il est difficile d’imaginer que l’accompagnement des urgences palliatives sera généralisé dans un proche avenir
Dr Yohan Gil, enseignant en soins palliatifs (IDF)
La fiche de communication proposée prend en compte l’évaluation de la dépendance antérieure à l’état aigu, la formalisation par les médecins traitants d’un état de fin de vie, le projet de soins exprimé par le patient ou ses directives anticipées, la volonté de l’entourage, l’environnement au domicile et les coordonnées de soignants afin d’établir une collégialité sur la prise en charge.
« Mais dans un contexte où la valorisation des soins palliatifs au domicile reste très limitée pour le temps passé (que ce soit pour les médecins traitants ou pour les équipes de Smur), il est difficile d’imaginer que l’accompagnement des urgences palliatives sera généralisé dans un proche avenir », conclut le Dr Gil.
Les urgences palliatives en pratique
Ces urgences entrent dans la même grande catégorie que celle des urgences centrées sur les défaillances de systèmes : neurologiques, respiratoires, circulatoires, digestives, hématologiques, psychiatriques et notamment les urgences douloureuses aiguës.
On peut citer par exemple :
• L’hémorragie massive extériorisée, très souvent associée à une anxiété majeure des patients et de leur entourage. Un traitement symptomatique par anxiolytiques et/ou neuroleptiques intraveineux sera proposé : il s’agira alors principalement d’effectuer une sédation dite proportionnée afin de rendre les patients inconscients et confortables ;
• La détresse respiratoire aiguë, qui constitue un des motifs d’intervention en urgence le plus fréquent pour les patients palliatifs. Le traitement sera mixte : étiologique avec des diurétiques, si par exemple une défaillance cardiaque est perceptible cliniquement, et symptomatique grâce à l’utilisation des morphiniques ;
• Les symptômes douloureux aigus, qui peuvent être multiples, complexes et qui requièrent, pour les médecins responsables de la prise en charge, des connaissances spécifiques.
(1) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-soins-palliatifs
(2) Jouve A. Élaboration d’un outil de communication privilégiée entre Pallidom et le Smur 75. Thèse Paris 2025
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