Baisse de rémunération de plusieurs milliers d’euros par officine avec la mise en place d’un plafond de remise sur les génériques à 30 % ; report de six mois des revalorisations des actes de kinésithérapie ; report de six mois des augmentations des médecins spécialistes ; manque de considération pour la profession infirmière… La coupe de la désillusion est pleine.
Mi-juillet, la CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé) Portes de Provence, dynamique organisation à laquelle adhèrent 300 soignants libéraux du bassin de Montélimar (Drôme), a décidé d’agir en accord avec ses convictions. Puisque pharmaciens, kinés, médecins et infirmiers sont « déconsidérés » par les tutelles nationales, il n’y a aucune raison selon l’association que, localement, les communautés libérales continuent leur ouvrage comme si de rien n’était. Mi-juillet, un conseil d’administration exceptionnel de cette CPTS a ainsi voté à l’unanimité le gel des relations avec la CPAM de la Drôme et l’ARS Auvergne Rhône-Alpes jusqu’à nouvel ordre.
« C’est un médecin qui nous a alertés sur la situation nationale, se souvient Louis Bosson, président de la CPTS et pharmacien pionnier de l’interpro. Profession par profession, tout le monde était en colère mais au sein de la communauté, la lutte se devait d’être collective. On voulait marquer le coup. On pouvait dissoudre la CPTS, démissionner collectivement ou geler nos relations avec les tutelles. Nous avons choisi cette voie pour pénaliser le moins possible les patients. »
Gros vide
Bonne élève, engagée depuis plus de trois ans dans l’amélioration de l’accès aux médecins traitants, aux soins non programmés et à la prévention, la CPTS Portes de Provence couvre un bassin de vie de 115 000 patients et fédère un tiers des libéraux du territoire, dont une trentaine de médecins généralistes et spécialistes. « Nous avons monté un très bel outil, confirme Louis Bosson. On a lancé deux protocoles sur les cystites et les douleurs dentaires, recruté des médecins jeunes retraités pour faire de la télémédecine dans des antennes relais avec l’aide des infirmiers, créé des filières insuffisances cardiaque, diabète et personnes âgées, sans oublier de recenser constamment les patients sans médecin traitant. On valide nos indicateurs de santé publique à 90 %. Si on arrête tout, on crée un gros vide. La CPTS répond à 50 appels de patients par jour. »
Tout va se jouer en septembre, lors du prochain dialogue de gestion, substantif un brin barbare pour parler de l’état des lieux annuel entre les tutelles et les CPTS. Les parties en présence y dressent le bilan de l’année écoulée et établissent le plan de bataille de l’année à venir. Surtout, ARS et CPAM scrutent les indicateurs et délivrent les financements afférents. Pour la CPTS Portes de Provence, il y a 400 000 euros à la clé.
Pour 2024-2025, Louis Bosson juge que les tutelles n’ont aucune raison de mettre en quarantaine ce financement, puisque l’argent a été utilisé à bon escient et que les objectifs de santé publique sont d’ores et déjà largement atteints par la CPTS. Mais, le pharmacien le conçoit, le mouvement d’humeur de la communauté met en péril les financements à venir : « Nous allons continuer les projets qui tournent déjà mais nous n’allons pas en lancer de nouveaux. Nous restons dans le cadre de notre contrat mais nous nous mettons clairement en péril économique en risquant de perdre le financement lié aux objectifs de santé publique. C’est volontaire : l’État doit comprendre que s’il continue à s’en prendre aux libéraux, il n’y aura plus de CPTS. »
Lever les « blocages conventionnels »
La CPTS montilienne a informé la fédération des CPTS, qui, n’étant pas un syndicat, a pris bonne note de l’initiative sans la soutenir ni la condamner. Dans les semaines à venir, Louis Bosson et ses collègues aimeraient faire tache d’huile pour peser dans le débat public et lever les « blocages conventionnels » qui gâchent la vie des soignants de terrain, insiste le pharmacien.
Ayant un peu de trésorerie, la communauté peut payer les salaires de ses trois employés pendant quelque temps mais pas indéfiniment. Elle décidera de la suite à donner au mouvement en fonction du contexte national. Pour l’instant, aucune autre CPTS n’a embrayé. Rendez-vous à la rentrée.
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