Une déclaration de guerre à la médecine libérale ? En tout cas l’annonce d’un bras de fer et d’un lobbying intense lors du débat parlementaire sur le budget de la Sécu…
Avec une hausse de seulement 0,9 % de l’Ondam (objectif national des dépenses maladie) pour les soins de ville – contre plus de 2 % pour les établissements de santé – le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026) est perçu comme une « attaque frontale » contre la médecine de proximité.
Dès mardi, pour déminer le terrain, la nouvelle ministre de la Santé Stéphanie Rist avait appelé plusieurs responsables syndicaux en expliquant qu’elle n’était pas à l’origine de ce texte et qu’il s’agissait d’une première mouture, discutable et amendable. Mais même si l’étau budgétaire peut être desserré dans les prochaines semaines, la première pilule est très amère pour un secteur qui souffre déjà de sous-investissement chronique depuis des années.
Le déséquilibre entre la ville et l’hôpital passe mal. « C’est n’importe quoi et inadmissible !, fulmine le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. Quand le pouvoir politique est absent, on laisse l’administration centrale écrire un texte, qui est de la folie douce ! » Cette situation est « catastrophique », appuie la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, qui anticipe déjà un nouveau déclenchement du comité d’alerte l’an prochain (en 2025 déjà, le dérapage des dépenses a abouti à reporter les revalorisations qui étaient prévues en juillet). Selon la généraliste parisienne, « le risque est que les négociations conventionnelles volent en éclat ».
Hors sol
Pour le Dr Jérôme Marty, patron de l’UFML-S, « il existe un risque immense : avec 0,9 % pour l’Ondam de ville, on ne pourra pas assurer des soins de qualité, le système va se dégrader, au détriment des patients », réagit-il auprès du Quotidien. Même son de cloche au SML, où la présidente Sophie Bauer évoque « une catastrophe intenable et hors sol ! Une provocation ou au minimum un point de départ extrêmement bas de négociation ».
« Avec moins de 1 % d’augmentation de notre budget, on ne parle plus de modération, mais d’asphyxie », tonne le Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé. « Le risque, c'est qu'on n'ait pas assez de financement pour aller dans l'innovation et vers une meilleure prise en charge des patients ». Avec un cercle vicieux à la clé : départs anticipés, renoncement à l’installation et report des patients vers l’hôpital. Le Dr Marty met carrément en garde contre des risques de départs à l’étranger de praticiens installés et une crise des vocations libérales.
Les « rentes » des spécialités : 350 millions d’euros attendus !
L’inquiétude est palpable dans plusieurs spécialités dont la radiologie, la radiothérapie ou la dialyse. Pour lutter contre les phénomènes de « rentes », déjà dénoncés par la Cnam, le gouvernement entend à nouveau habiliter le directeur de l’Assurance-maladie, à défaut d’accord, à procéder à des baisses de tarifs (article 24). Le PLFSS prévoit ici « 350 millions d’euros d’économies » l’an prochain via la lutte contre la rente. « Mais c’est quoi une situation de rente ? Là, on a vraiment une terminologie absurde ! C’est un mauvais signal », dénonce Dr Gasser (Avenir Spé), qui refuse cette stigmatisation des spécialités techniques. « Le terme de rente est inadapté », abonde le Dr Devulder, qui y oppose la « responsabilité » de la profession face aux besoins croissants de la population. « Le risque étant de diminuer le personnel ou l’amplitude horaire dans ces secteurs », prévient le gastroentérologue rémois.
Joint ce mercredi, le Dr Philippe Masson, président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) dénonce la « dictature administrative » de la Cnam. « On retrouve pratiquement “mot pour mot” dans ce PLFSS certains items du rapport charges et produits. Le rouleau compresseur administratif en France continue sa vie, indépendante de tout le reste », avertit le radiologue. Derrière ces financements rabotés, les enjeux sont lourds, qu’il s’agisse des investissements dans l’innovation et de l’implantation territoriale. « Les radiologues vont moins investir dans leurs machines, dans l’organisation et dans l’implantation territoriale des cabinets secondaires », énumère le Dr Masson. Qui confirme la mobilisation déjà engagée : poursuite de la grève de la permanence des soins en établissement, grève de l’envoi des comptes rendus dans le DMP…
De source syndicale, d’autres actions de riposte seraient à l’étude dans les spécialités du champ libéral susceptibles d’être visées : radiologie, radiothérapie (à hauteur de 100 millions d’euros selon le projet de loi), dialyse (pour 20 millions d’euros), biologie ou encore médecine nucléaire et anapath. Une convergence de la rémunération des actes en ville et à l'hôpital est aussi annoncée pour 2026 pour la radiothérapie et la dialyse.
La situation préoccupe au plus haut point l'Union nationale des professions de Santé (UNPS, libéraux). L’instance représentative de 12 professions déplore tout simplement « le manque de sincérité et le caractère intenable du sous-ondam de ville pour 2026 en contradiction avec les besoins croissants du système de santé et la dynamique des soins de ville qui nécessitent une réévaluation à 3,8 % ». Quatre fois plus que la copie initiale du gouvernement…
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