Avec près d’une semaine de retard due à une série de bugs techniques, le Centre national de gestion (CNG) et le ministère de la Santé ont finalement proclamé, le 24 juin, les résultats des élections professionnelles des praticiens hospitaliers, HU et contractuels. Délaissé et pourtant majeur, ce scrutin permet à près de 100 000 médecins en exercice dans 1 000 hôpitaux publics d’élire leurs représentants au Conseil supérieur des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques (CSPM), à la Commission statutaire nationale (CSN) et au conseil de discipline (CD). Le dernier appel au vote remontait à 2019.
En cinq ans, le monde hospitalier a dû composer avec une crise sanitaire mondiale, des décisions budgétaires contraintes (malgré les plans Ségur de la santé et Ma santé 2022) et une valse de ministres sans précédent avenue Duquesne. C’est dans ce contexte d’instabilité que les syndicats ont tenté, pour ces élections, de moduler leurs alliances afin de rénover le dialogue social et peser davantage dans la balance avec l’objectif premier de revaloriser les carrières médicales.
Cinq listes (il n’y en avait que deux en 2019) se sont affrontées : la coalition historique CMH/INPH/Snam-HP ; l’alliance APH/Syncass-CFDT/Amuf ; le syndicat Jeunes médecins (JM), qui est parti seul sous ses couleurs ; SNMH-FO ; et Ufmict-CGT. Pour cette édition, en effet, les urgentistes de l’Amuf ont préféré prendre leurs distances avec la CGT et Jeunes médecins s’est désolidarisé d’APH.
Plusieurs vainqueurs, aucun perdant
À l’issue de l’ouverture (tardive) des urnes, les deux coalitions emmenées par la CMH et APH ainsi que Jeunes médecins ont affiché leur satisfaction, quitte à revendiquer une victoire selon des calculs dignes d’apothicaires chevronnés.
Composé de trois collèges statutaires (HU, PH et contractuels avec cinq sièges pour chacun), le CSPM est considéré comme l’organe le plus politique. Les médecins y sont consultés sur les projets de texte législatifs et réglementaires relatifs à leur exercice et à leurs statuts. En pourcentage des suffrages exprimés et malgré une participation peu glorieuse (10,54 %), la liste de la CMH s’impose nettement dans le premier collège, celui des hospitalo-universitaires (60,5 %, trois sièges), avec presque deux fois plus de voix que son challenger principal APH. Deuxième collège, autre résultat : APH remporte clairement le vote des PH (titulaires et probatoires), en y frôlant la majorité absolue (49,50 %, trois sièges), devant la CMH (31 %, deux sièges). Même s’il n’obtient pas de siège, le syndicat Jeunes médecins fait une percée dans ce collège avec 800 voix et 11 % des suffrages.
Enfin, dans le collège des contractuels, Jeunes médecins arrive en tête avec 31 % des voix, soit deux sièges, ce dont s’est félicité le Dr Emanuel Loeb, président du syndicat, fort heureux de cette « percée historique ». « Jeunes médecins est reconnu représentatif des PH pour la première fois de manière autonome et indépendante », a apprécié le psychiatre. Reste que les résultats sont équilibrés dans ce collège, avec les deux autres listes qui obtiennent chacune plus d’un quart des suffrages.
En nombre total de sièges, l’union syndicale de la CMH se hisse donc sur la première marche du podium (avec sept sièges sur 15 au CSPM) et affiche son rang de leader, devant l’alliance APH (six sièges) et Jeunes médecins (deux sièges). Mais en nombre total de voix, APH – qui a su se faire entendre des 50 000 PH, un corps électoral sept fois plus massif que celui des hospitalo-universitaires – proclame aussi sa victoire avec 48,72 % des suffrages récoltés (hors FO et CGT). « La séparation avec Jeunes médecins ne nous a pas pénalisés, nous maintenons notre position de 2019 », se félicite le Dr Yves Rébufat, délégué général d’APH, « plutôt content » de l’ensemble des résultats de sa coalition.
Le second grand scrutin concernait la CSN, qui se prononce sur des dossiers problématiques : médecins en période probatoire, en procédure d’insuffisance professionnelle, etc. Organisée par discipline (anesthésie-réanimation, biologie médicale, chirurgie, médecine, pharmacie, radiologie et psychiatrie), la CSN est composée d’un collège de PH et d’un autre de HU. Chaque collège vote pour une liste de représentants dans les sept sections pour un total de 85 sièges.
En raflant 49 sièges au nez et à la barbe des médecins de la liste d’APH (32 sièges), de Jeunes médecins (deux sièges) et du SNMH-FO (un seul), la CMH et ses alliés ont conforté leur bon score au CSPM, saluant un « grand succès » à ces élections, « fruit de plusieurs années de travail de terrain dans tous les hôpitaux ».
Cauchemar digital
Le dernier scrutin, relatif au conseil de discipline (CD), a profité à la liste APH – les hospitalo-universitaires, davantage séduits par la coalition de la CMH, n’étant pas appelés à voter. Le CD concerne en effet uniquement les PH faisant l’objet d’une procédure disciplinaire. L’élection porte sur un collège unique de 42 sièges constitué de six praticiens hospitaliers (titulaires et probatoires) dans les sept sections similaires à la CSN.
En nombre global de sièges, APH s’impose donc en plaçant 22 candidats (avec un carton plein auprès des anesthésistes), l’alliance CMH glanant tout de même 17 sièges, Jeunes médecins deux sièges et FO un seul.
Et demain ? Malgré leurs différences, les syndicats s’accordent sur plusieurs points. Aux prochaines élections, pas question de revivre ce cauchemar digital ayant paralysé l’ouverture des urnes pendant une semaine. Au nouveau gouvernement de prendre ses responsabilités. Et d’écouter, sur le fond, les doléances récurrentes des praticiens hospitaliers sur l’attractivité des carrières, la revalorisation des astreintes et la prise en charge de l’ancienneté.