Pour les experts, c’est un tournant dans la prise en charge, 30 ans après la découverte du gène impliqué dans la mucoviscidose (1). Deux essais publiés simultanément mettent en évidence des bénéfices cliniques impressionnants chez des sujets homo ou hétérozygotes pour de la délétion Phe508del (2,3). Ce traitement, qui vient d’être agréé par l’agence américaine FDA, pourrait concerner de nombreux patients de plus de 12 ans.
Améliorer le déploiement et la fonctionnalité de CFTR
Près de 90 % des sujets atteints de mucoviscidose sont porteurs d’une ou deux délétions Phe508del, à l’origine d’un défaut de maturation de la protéine CFTR conduisant à sa dégradation intracellulaire. Les correcteurs visent à empêcher cette dégradation. Le tezacaftor et l’elexacaftor font partie de ces correcteurs de maturation.
D’autres patients présentent uniquement un défaut de régulation, dans lequel la protéine est bien sécrétée mais non fonctionnelle. C’est alors un potentialisateur de CFTR, tel l’ivacaftor, qui est indiqué. Il a en effet montré son activité en monothérapie chez ces patients – qui représentent près de 5 % des cas.
Mais ce potentialisateur s’est aussi avéré intéressant en association à un correcteur, chez les sujets Phe508del. Les bithérapies ivacaftor-lumacaftor et ivacaftor-tezacaftor ont été agréées dans cette indication, avec une certaine activité. Le point noir restant le défaut de maturation, on pouvait néanmoins se demander si une trithérapie associant deux correcteurs de maturation à un potentialisateur pouvait encore améliorer l’activité de CFTR. C’est dans cette idée que deux essais cliniques de phase III ont comparé une trithérapie à un placebo ou à une bithérapie.
Trithérapie versus placebo chez des homo et hérérozygotes Phe508del
Le premier essai, publié dans le Nejm, porte sur plus de quatre cents patients de plus de 12 ans porteurs d’au moins une mutation Phe508del, homo ou hétérozygtes et présentant une maladie stabilisée associée à un Vems de 40 à 90 % (2).
Ces sujets ont 26 ans d’âge médian. Un tiers a moins de 18 ans. Leur Vems initial médian est de 60 %. Leur taux de chlore dans la sueur à l’inclusion est autour de 100 mmol/l.
Ils ont été randomisés pour recevoir la trithérapie elexacaftor-tezacaftor-ivacaftor ou un placebo. Au terme de 4 semaines, le Vems du groupe sous trithérapie a augmenté de 13,6 points quand, dans le groupe placebo, le Vems n’a pas évolué (– 0,2 point). Dans le même temps, la concentration en chlore dans la sueur à baissé de 40 mmol/l alors qu’elle est restée stable dans le bras bithérapie. « On est autour de 60 mmol/l, soit au seuil utilisé pour le diagnostic de mucoviscidose », notent les auteurs. « Ce qui atteste d’une nette amélioration de la fonctionnalité de CFTR. Et, surtout, à 6 mois ces différences se maintiennent. À la clé, une réduction nette des exacerbations pulmonaires. Elles ont chuté de 63 % sur 6 mois par rapport au groupe placebo et les sujets ont pris du poids ». D’ailleurs la qualité de vie (score CFQ-R RD) a bondi de 20 points.
Bi versus trithérapie chez des homozygotes Phe508del
Le second essai porte sur une centaine de patients de plus de 12 ans, ici strictement homozygotes pour la mutation Phe508del (3). À nouveau, leur maladie devait être stabilisée et associée à un Vems de 40 à 90 %. Après 4 semaines de run in sous bithérapie tezacaftor-ivacaftor, ils ont été randomisés pour poursuivre cette bithérapie ou passer sous trithérapie elexacaftor-tezacaftor-ivacaftor. Le critère primaire est toujours la variation absolue de Vems à 4 semaines.
À un mois, les sujets sous trithérapie ont vu leur Vems amélioré de 10 points, comparativement aux patients sous bithérapie. En parallèle, l’excrétion de chlore dans la sueur a chuté de 45 mmol/l, tandis que la qualité de vie a progressé de 17 points. La trithérapie fait donc nettement mieux que la bithérapie chez ces patients homozygotes.
Peut être un tournant dans la prise en charge
Ces deux essais, présentés en avant première lors de la Conférence annuelle américaine sur la mucoviscidose (NACFC), étaient très attendus. C’est la première fois que l’on constate une telle amélioration des patients, à la fois sur la fonction respiratoire, la fonctionnalité de la protéine et la qualité de vie. Ils pourraient marquer un tournant dans la prise en charge de nombreux patients – même si les essais étaient restreints aux patients stabilisés et ayant conservé au moins 40 % de Vems. Restera à en fixer le prix sachant que la bithérapie ivacaftor/lumafactor, autorisée en Europe dès 2015 n’est toujours pas disponible en France même si un accord vient d'être trouvé.
(1) Collins FS . Realizing the Dream of Molecularly Targeted Therapies for Cystic Fibrosis. NEJM 2019;381:1863-5
(2) Middleton PG et al. Elexacaftor–Tezacaftor–Ivacaftor for Cystic Fibrosis with a Single Phe508del Allele. NEJM 2019; 381:1809-19
(3) Heijerman HGM et al. Efficacy and safety of the elexacaftor plus tezacaftor plus ivacaftor combination regimen in people with cystic fibrosis homozygous for the F508del mutation: a double-blind, randomised, phase 3 trial. Lancet 2019;394:1940-8