Un gaillard de 20 ans hospitalisé pour un grave traumatisme crânien suite à une chute, et opéré en urgence une dizaine de jours en neurochirurgie, quatre jours avant le confinement, au début de cette « guerre sanitaire ».
Deux seules visites autorisées pendant ces 20 jours, où, nuits et jours, des spécialistes de la réanimation, de la diététique, de la radiologie, de la biologie, s'activent autour de lui. On pique, masse, intube… Puis, trachéotomie, sonde gastrique… On fait ce qu’il faut faire, mais aucun contact chaleureux de la famille n’est autorisé.
Transféré ensuite dans un centre médicalisé. Chambre seule : aucune visite autorisée pendant un mois où ce gaillard aurait eu besoin de la présence de sa mère, de la sentir, de la toucher, d’entendre sa voix et de son contact.
Première visite, un mois après son admission pour son anniversaire. Les seules visites autorisées, dit-on à la mère, sont pour les mourants… Comment pour les parents ne pas craquer, surtout pour la mère. Perte de chance pour sa reconstruction psychologique, absence de repères du fait de son isolement… Détresse absolue.
Puis amélioration, depuis le 9 mai, à trois visites par semaine d’une heure : commencer à sentir cette présence humaine chaleureuse, et celle-ci doit déjà partir. Des larmes coulent sur les joues de ce grand enfant.
Guerre sanitaire, certes, mais nos dirigeants auraient pu faire une différence entre être hospitalisé pour trois semaines et pour une longue période. Pas de différence : égalité ? Les chefs de service sont peut-être sous la crainte d’une plainte pouvant être pénale en cas de contagion par le virus. Mais les protections existent : gants, produits, blouses… Les directeurs d’hôpitaux appliquent aussi cette interdiction.
En cette période de pandémie, le ministère de la Santé aurait dû donner des dérogations pour ce type de malade, autoriser les visites minimums de trois heures, donner des moyens supplémentaires à ces services de longue hospitalisation, faire accepter l’aide proposée par des familles. On crée une déshumanisation de notre médecine par une quasi-interdiction des visites. Comment ne pas violemment réagir ?
Par ailleurs, à la même époque, que voyait-on ? Laxisme : foule sur le canal Saint-Martin ; avec aucune pénalité… Et si arrive un rebond : qui va être soumis à une discipline de fer ? À l’absence quasi totale des visites ? Les hospitalisés de longue durée et leurs familles ! D’un côté, faites ce que vous voulez et de l’autre, le calvaire pour les patients et leur famille. Véritable déshumanisation de notre médecine, inacceptable. Cela doit être corrigé immédiatement.
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