Si les Français sont globalement favorables à la vaccination, ils sont de plus en plus nombreux à exprimer leurs incertitudes face à des vaccins en particulier. Mais les insuffisances de la couverture vaccinale dans l’Hexagone s’étayent sur d’autres raisons, notamment des disparités géographiques et des difficultés à atteindre certaines cibles, comme les adolescents et les seniors.
« Aujourd’hui, la vaccination est insuffisante dans notre pays », alerte Nora Berra, secrétaire d’Etat chargée de la santé. « Nous sommes loin des objectifs de couverture vaccinale qui sont d’au moins 95 % pour toutes les maladies vaccinales, hormis la grippe, pour laquelle l’objectif est de 75 % ». Quelles raisons viennent expliquer ce fait ? La situation en France est-elle propice à une montée des réticences vis-à-vis des vaccins ? Pas si facile de répondre à la question.
La montée des sceptiques
Car, si certaines méfiances émergent ponctuellement, la vaccination conserve ses lettres de noblesse. Près de 90 % ?????? des Français y sont favorables en général (baromètre patient Inpes 2010). « Les refus totaux sont rares et n’ont pas augmenté ces dernières années : seulement 1 à 2 % de la population est contre tout vaccin, souvent pour des raisons idéologiques, philosophiques ou religieuses” estime Pierre Bégué, pédiatre*. Mais, à côté de ce noyau dur de réfractaires, un autre groupe se distingue et semble en augmentation : la catégorie des « sceptiques », comme les définit Daniel Floret (président du Comité Technique des vaccinations 2007-2011 du Haut Conseil de la santé publique). Eux ne refusent pas en bloc la vaccination, mais sont demandeurs d’informations complètes sur la stratégie vaccinale, sur l’efficacité et la sécurité et les effets secondaires des vaccins. En revanche, à ce jour, aucune enquête ne s’est intéressée à l’importance de la catégorie des sceptiques : « ils seraient moins de 10 % », selon le Dr Christine Jestin (Inpes). Ces personnes ont besoin d’être convaincues du bien fondé de la vaccination. Là, le médecin généraliste est le mieux placé pour assurer ce rôle: « plus de 90 % des Français déclarent que, en cas de doute, c’est leur généraliste qui les persuaderait ou non de se faire vacciner », rapporte le Dr Jestin. Le discours du médecin est donc capital. « Qui dit hésitation sur un vaccin demande qu’on fasse une explication de persuasion » martèle le Pr Pierre Bégué. Mais l’exercice demande du temps et de l’implication. « La vaccinologie est plus complexe qu’il n’y paraît et elle est peu enseignée, que ce soit initialement ou en formation continue, si ce n’est celle délivrée par les laboratoires pharmaceutiques, le problème étant qu’aujourd’hui que tout ce qui vient des firmes devient suspect, déclare Daniel Floret. Un espoir pourrait venir avec la naissance des ARS, si elles intègrent effectivement des objectifs de vaccination, en passant des contrats signés avec les médecins ».
Disparités régionales
Mais les réticences des Français ne sont pas principalement responsables des insuffisances des couvertures vaccinales dans l’Hexagone. D’autres éléments entrent en jeu. Tout d’abord, on note des disparités d’ordre géographique : « le sud de la France se vaccine moins que le nord », avance Nora Berra. Dans la vaccination contre la rougeole, notamment, on a recensé beaucoup de foyers non vaccinés dans le sud est de la France, et dans certains départements, moins de 80 % des enfants sont vaccinés. « C’est dans ces zones que l’épidémie de rougeole sévit en majorité. Et ces poches de résistances rendent inefficace la couverture vaccinale actuelle », explique Daniel Floret. En France, un peu plus de 90 % des enfants de 2 ans ont reçu une dose de vaccin ROR, et 41 % les deux doses réglementaires.
Ensuite, certaines vaccinations pédiatriques peuvent être améliorées. « si les couvertures vaccinales chez les enfants sont en général bonnes pour le DTP et la coqueluche, elles sont encore insuffisantes pour le ROR, l’hépatite B, le pneumocoque et la méningite C » poursuit Nora Berra. Toutefois, une bonne nouvelle concerne l’hépatite B. « La situation s’est nettement améliorée chez les nourrissons en 2008, directement liée avec le remboursement en 2008 du vaccin hexavalent (DTCP+ meningite + hépatite B) et on estime aujourd’hui, que près de 70 % d’entre eux ont reçu au moins 1 dose, et 47 % les trois doses réglementaires » rapporte Daniel Floret.
Le casse-tête adolescent
Par ailleurs, un problème se pose pour atteindre la cible des adolescents, qui consultent peu leur médecin. Chez eux, « aucune vaccination n’atteint les 95 % de couverture vaccinale », rapporte Nora Berra. La politique vaccinale étant essentiellement basée sur une vaccination en cabinet libéral, il n’est pas étonnant que ces jeunes passent au travers des mailles du filet. Le cas de la rougeole est flagrant : « nous n’avons pas vacciné correctement pendant 25 ans et nous avons accumulé plusieurs millions de sujets réceptifs à la rougeole : 1,3M de personnes âgées de 6 à 30 ans ne sont pas protégées. Les personnes de 20 à 30 ans représentent aujourd’hui 22 % des malades, et ce sont des réservoirs principaux de transmission au nourrisson » avance Daniel Floret.
De même, pour la vaccination contre le papillomavirus , seulement 23 % des jeunes filles ayant eu 15 ans en 2009 ont reçu 3 doses de vaccin, et 33 % des jeunes filles ayant eu 17 ans en 2009. Dans ce cas, la problématique est encore plus complexe : non seulement il faut entrer en contact avec les jeunes filles, mais il faut leur faire accepter – ainsi qu’à leurs parents- une vaccination à 14 ans contre une pathologie sexuellement transmissible (un sujet difficile à aborder) de plus avec un vaccin qui pose différentes questions. D’une part, ce vaccin est récent, d’où certaines réticences sur le manque de recul au niveau des effets. Ensuite, il ne protège que contre 70 % des infections à papillomavirus responsables de cancers… Enfin, il n’exonère pas d’un dépistage régulier du cancer du col par frottis, alors qu’il est censé apporter une protection contre ce fléau.
Des oublis chez les seniors
Chez les adultes, des efforts sont à réaliser chez les plus âgés. En effet, les quelques études disponibles montrent des taux de couverture très insuffisante, et qui baissent avec l’âge.