« Macron : passage à vide ». Tel était le titre d'une émission politique de la cinquième chaîne, samedi dernier, qui m'a paru pour le moins excessif. Le chef de l'État vient d'être réélu, avec un écart de 18 points en sa faveur et au terme d'un mandat où il a dû, à la fois, subir les pires attaques et combattre des crises, comme celle des gilets jaunes ou de la pandémie qui auraient pu le mettre à terre. Comme on adore le reprendre sur n'importe quel mot, fût-il le plus fugitif, on lui reproche de ne pas faire campagne et de s'exprimer peu. Quand il s'est tu, on y a vu une preuve de perplexité. On a fait des montagnes des affaires Abad et Darmanin. Et, loin de souligner l'exploit accompli par sa réélection, on a trouvé un nouveau héros, le ci-devant Jean-Luc Mélenchon, car il aurait présenté un projet « génial », celui de « se faire élire Premier ministre aux législatives ».
Il n'y a rien dans la Constitution qui oblige Emmanuel Macron à choisir M. Mélenchon comme Premier ministre ; rien non plus qui le contraigne à confier à la France insoumise le rôle de contrôleur fiscal dévolu par la tradition à l'opposition. Le fabuleux homme-lige de la gauche peut tempêter autant qu'il le souhaite, il n'est pas en mesure d'obtenir les privilèges qu'il réclame car ils ne lui reviennent pas de droit.
Ce qui ne signifie pas non plus que M. Macron ne serait pas gêné par une opposition forte en nombre et constamment tonitruante. Des analystes disent que, si la Nupes, Nouvelle Union politique, écologique et sociale, parvient à obtenir 200 sièges à l'Assemblée, M. Macron sera obligé de composer avec le nouveau premier parti de France. Et pourquoi ne composerait-il pas avec les Républicains, assurés de gagner une cinquantaine de sièges (la moitié de ce qu'ils ont aujourd'hui) et eux aussi situés dans l'opposition ?
Mélenchon dans sa bulle
On veut bien admettre que M. Mélenchon continue à vivre dans sa bulle, qui le protège contre ses propres illusions. Mais l'extraordinaire originalité de ses propos ne forme pas une stratégie politique, c'est uniquement de la communication. La réforme électorale, qui est passée du septennat au quinquennat, a placé la présidentielle avant les législatives. Ce faisant, elle a accentué la volonté des électeurs de donner au président élu ou réélu la majorité dont il a besoin pour gouverner. Même les sondages, pas toujours fiables, s'en sont rendu compte : la présence, dans le scrutin, des dissidents de la gauche, ceux qui rejettent une alliance périlleuse avec LFI, a suffi pour donner à Ensemble, le mouvement présidentiel, la première place dans les intentions de vote.
Il est donc probable que les médias, jamais à court d'une exagération, constatent dimanche soir que l'hypothèse Mélenchon n'a plus le moindre avenir. Que M. Macron aura sa majorité. Et que le gouvernement fonctionnera de manière harmonieuse même s'il est harcelé par une opposition encore plus frustrée au lendemain de sa défaite aux élections législatives. Passage à vide ? Si j'étais hostile à Macron comme le sont les médias et des diverses oppositions, je crois que je tirerais mon chapeau à l'homme le plus détesté de France qui a tout de même réussi à se faire réélire président de la République et aura obtenu, du moins faut-il l'espérer, sa majorité présidentielle.
Ces débats pré-électoraux, au cours desquels les gens s'écoutent parler plus qu'ils n'ont de réelles convictions, n'auront servi strictement à rien. Le passage à vide, c'est celui des médias qui, cherchant une alternative à la terrible chronique de la tragédie ukrainienne, essaient de rendre les législatives plus intéressantes. Ils n'empêcheront pas une abstention massive qui coûtera cher aux partis les moins puissants. Et, en charriant des hypothèses quelque peu farfelues, ils n'auront fait que remobiliser les forces macronistes. Reste une question lancinante : pourquoi les démocrates ou sociaux-démocrates sont-ils si pressés de tomber sous le joug de l'arbitraire ? Peut-être prennent-ils Mélenchon pour un tyran éclairé dont la tyrannie brille plus que la lumière.