Si l'on en croit les enquêtes d'opinion et les convictions que nous sommes nombreux à partager, l'écologie est devenue une priorité, devant le chômage et la pandémie. La lutte contre le réchauffement climatique est désormais perçue comme un devoir sacré. Cela a favorisé l'éclosion de nouveaux édiles verts qui ont décidé d'appliquer le programme pour lequel ils ont été élus. Ce n'est que justice et l'inverse eût été illogique. Le problème est que tous les Verts, à commencer par Yannick Jadot, candidat à la présidence de la République, ne sont pas favorables à des mesures draconiennes susceptibles de bouleverser l'économie régionale et nationale.
L'annonce faite par la maire de Poitiers, Léonore Moncond'huy, fraîchement élue, de ne plus subventionner les clubs aériens a fait l'effet d'une bombe et lui a valu une vive riposte de la droite. Elle refuse désormais de venir en aide aux sports mécaniques, alors qu'ils représentent 200 000 emplois, dont 100 000 dans la seule Occitanie et elle assortit ses décisions d'un commentaire qui donne des frissons : « C'est triste, mais l'écologie ne doit plus faire partie des rêves d'enfant ». À quoi, la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq, a répondu : « Laissez-nous rêver, Madame ». L'idée que l'écologie peut imposer son credo au pays, à partir de Poitiers ou de toute ville dirigée par un maire écologiste, pose divers problèmes, à commencer par la cohésion de la bataille climatique inévitable à laquelle doit concourir la population tout entière.
Les Verts n'ont pas un monopole
On passera sur l'émotion que les propos de Mme Moncond'huy ont déclenchée. La question ne porte pas sur l'indispensable lutte contre la dégradation du climat, en France, en Europe et dans le monde. Elle porte sur un rassemblement des forces nationales qui ne se fera pas dans la polémique. La maire de Poitiers a fait un effet d'annonce, elle n'a pas cherché à convaincre ses concitoyens, mais à leur faire peur. Ce n'est pas de cette manière que l'air français sera plus respirable.
De l'autre côté de la France, la maire verte de Strasbourg, Jeanne Barseghian, accumule les bévues. Elle a accordé 2,5 millions d'euros de subvention à la mosquée en construction, financée par la Turquie et soupçonnée de radicalisme islamiste ; elle a refusé un don de 10 millions que l'Innovation in Politics Institute a accordé à Strasbourg en tant que « capitale européenne de la démocratie » et son conseil municipal a refusé de voter la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holmocauste.
Les Verts ne semblent pas avoir compris qu'ils n'ont pas le monopole de l'écologie. Un parti politique dont la seule référence est le climat risque de mépriser, dans une époque de grande souffrance, les aspects économiques, sociaux et humains de décisions dont on sait les dégâts qu'elles vont causer bien avant que l'on en sache les résultats positifs. Il n'est ni logique ni moral d'identifier toute politique à la seule écologie. Les Verts ne sont pas un ghetto auquel n'auraient pas accès d'autres courants de pensée, pas plus qu'ils sont les seuls à détenir la vérité. De fait, les mesures de Poitiers et de Strasbourg, prises sans concertation, sont inspirées par quelque chose qui ressemble bien à une dérive totalitaire. De toutes parts, il est reproché au gouvernement de ne pas assez tenir compte de la volonté des élus. Voilà que des élues verts se moquent du pouvoir central. Le rapport entre jacobins et girondins est ainsi inversé.
On note, chez les Verts, une sorte d'impatience, la volonté d'exécuter des programmes avant même que le contenu en soit défini par la représentation nationale. Et aussi une approche tellement nouvelle des dossiers qu'ils en arrivent à se trahir eux-mêmes.