Bien entendu, la logistique est insuffisante : on ne peut vacciner avec des doses que l'on n'a pas. Le gouvernement a perdu beaucoup de temps à justifier sa politique et aurait dû se contenter, en revanche, d'acheter des vacins, quoi qu'il en coûte. Il fait une projection miraculeuse, en promettant à nos concitoyens quelques livraisons massives en avril et les mois suivants. Les Français veulent bien le croire, mais il ne dit pas où il va trouver les vaccins, où il va ouvrir les centres, s'il y en aura assez pour couvrir le territoire et ne pas obliger les personnes âgées à faire un voyage pour y parvenir.
La seule chose qui compte se situe bien au-delà des mots, des promesses et des querelles politiciennes. Il faut vacciner massivement, ce printemps, et cet été. Même certaines questions d'ordre médical (par exemple tel vaccin est-il efficace contre tel variant ?), sont obsolètes. On peut au moins empêcher toute personne, âgée ou plus jeune ou présentant des co-morbidités d'entrer en réanimation. Il faut foncer dans la mêlée, s'y battre et faire ensuite un bilan. Sans cette détermination, la pandémie empoisonnera durablement la vie économique et sociale, aggravera le chagrin national et aura des conséquences politiques en cette période électorale.
La question ne porte plus sur le salut d'Emmanuel Macron, même s'il a encore du temps pour inverser l'évolution de la pandémie. Elle porte sur la santé physique et mentale du peuple. Elle porte sur notre capacité de rebond, qui reste encore située à un degré élevé : les Français veulent le retour à la normale non seulement pour se distraire un peu mais pour travailler, pour retrouver enfin les pacifiques habitudes d'un monde sans Covid. L'indiscipline de certains groupes animés par la seule bêtise, comme celui qui a organisé le carnaval de Marseille, est en effet l'exception qui confirme la règle : l'immense majorité de nos concitoyens, même s'ils critiquent les contradictions parfois hallucinantes sur le port du masque, l'attestation dérogatoire ou encore la limite du déplacement, s'est efforcée depuis quatorze mois d'obéir à toutes les directives des pouvoirs publics.
Autosatisfaction gouvernementale
Ce qui explique que le gouvernement, pour se défendre contre les tombereaux de sarcasmes déversés sur lui, fait parfois un bilan positif, quelque peu insoutenable face aux effets néfastes du variant anglais. Mais il faut bien qu'il ait quelque chose à dire. À quoi on peut ajouter que la France est dans une situation tout à fait comparable à celle de ses voisins européens et que la preuve est ainsi fournie que des pays ressemblant aux nôtres, mais forcément dirigés par d'autres, ne font pas mieux ou font pire.
C'est le message téléphoné aux partis de l'opposition qui, n'ayant aucun moyen d'agir, remplacent leur naturelle passivité par le il n'ya qu'à. Non seulement cette attitude renforce la colère que les citoyens éprouvent contre leurs dirigeants, mais elle les convainc qu'ils n'ont rien de particulier à attendre d'une l'alternance, qu'elle soit de droite, d'extrême droite ou d'extrême gauche. Il est d'ailleurs drôle que les candidatures à la présidence de la République se multiplient dans un contexte d'indifférence complète de l'opinion. Il y a un temps pour tout, n'est-ce pas ?
Le public a en effet d'autres chats à fouetter, et il réclame, sur le travail, sur l'activité économique, sur le niveau de vie, sur la dette et les déficits, des actions concrètes, pour le moment reportées à un moment plus propice aux actes positifs. Cependant, on ne niera pas les immenses efforts financiers accomplis par le gouvernement et le pari risqué qu'il a fait pour l'avenir immédiat : d'une certaine manière, nous sommes prêts à repartir, on perçoit même dans la population une sorte d'avidité pour le travail. À situation inédite, réaction inédite. Il n'y a pas que des raisons de se morfondre, il y en a d'espérer.