Le Songe d’une transversalité d’été

Publié le 08/10/2021
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Moins de verticalité et plus de transversalité : c'est de cela qu'a besoin aujourd'hui notre système de santé. Pour y parvenir, le digital est indispensable au partage d'informations entre acteurs de santé. Mais l’esprit d’équipe, les valeurs communes et la volonté d’avancer ensemble sont un préalable.

Alice de Maximy

Alice de Maximy
Crédit photo : DR

Le monde de la Santé n’a rien à voir avec celui qu’il était il y a seulement un an et demi, avant la Covid19. Cette crise sanitaire sans précédent a exposé aux yeux de tous les défaillances organisationnelles de notre système de santé ; défaillances pourtant déjà dénoncées dans les manifestations de soignants de l’ère précovidienne, qui finalement restèrent majoritairement lettre morte. Outre l’abnégation des professionnels de Santé, la crise a aussi révélé notre capacité à développer rapidement des solutions biologiques, biotechnologiques ou digitales. En outre, elle a considérablement modifié les façons de travailler dans le secteur de la santé, et elle a grandement favorisé l’innovation numérique et la transversalité.

L'abolition des frontières professionnelles est inéluctable

Parlons un peu plus de cette transversalité, voulez-vous ? Nous avons tous rêvé, nous les actrices et les acteurs de santé, de décloisonner la santé, car nous savons que l’abolition des frontières interprofessionnelles, inter-institutions, entre les mondes publics, associatifs ou privés à but lucratif, entre la ville et l’hôpital… est inéluctable devant la venue de nouvelles pathologies liées à l’environnement, le vieillissement de la population avec les patients complexes ou la perte d’autonomie, et les pandémies, d’une part ; et devant les progrès biotechnologiques, médicaux, algorithmiques et digitaux, d’autre part. Et ce décloisonnement ne doit pas uniquement être le songe d’été d’idéalistes dans les bras de Morphée.

Et si la transversalité est devenue indispensable, l’assouplissement de la verticalité (disons plutôt rigidité verticale), qui régit notre secteur professionnel, l’est tout autant. Ce fameux « top down » dont on parle tant en langage startupien, freine sans aucun doute la modernisation du système de santé. Elle la freine car elle empêche une bonne utilisation des solutions numériques collaboratives, et elle la freine car elle déresponsabilise le patient.

Nous imaginons tous, dans nos rêveries utopistes d’été, une Santé où les professionnels côtoient les aidants, les proches et les patients décisionnaires de leur santé. Cela existe parfois, trop rarement, grâce aux instances de démocratie sanitaire, aux missions ministérielles confiées aux patients experts ou aux prises de position fortes de ces derniers. Pourtant, alors que les décisions pour sa propre santé doivent plus que jamais être éclairées par l’éducation pour la santé, la connaissance et le respect, nous venons hélas, d’observer l’explosion de croyances limitantes, alimentées par les fakes news dans les réseaux sociaux ou par les théories fumeuses basées sur des hypothèses fausses, de prétendus sachants. Alors où se trouve la solution ?

Profiter de nos différences

Il est certain que cette transversalité ne pourra se répandre qu’avec l’appui du numérique, lequel progresse si vite que certaines écoles digitales en bac +5, ne peuvent planifier leurs programmes pédagogiques que pour un an ! Ces progrès exponentiels ouvrent la voie à de nouveaux accompagnements de patients, comme leur suivi totalement monitoré, à leur domicile, avec possibilité de joindre un soignant à tout moment. Mais ces solutions nécessitent des experts en nouvelles technologies qui doivent collaborer étroitement avec les experts du soin.

Et c’est là que la beauté de la technologie montre ses limites : face à la complémentarité des savoirs, face à des femmes et des hommes d’univers totalement différents, la coordination de l’humain revient au centre du problème, ou mieux, reste la solution. Si des logiciels existent pour simplifier les tâches et faciliter les analyses, ils ne remplaceront jamais l’esprit d’équipe, les valeurs communes et la volonté d’avancer ensemble vers un objectif commun.

Un peu idéaliste ? Peut-être. C’est pourtant grâce à cela que la Maison des femmes de Saint-Denis ou l’Immunothérapie à domicile ont vu le jour. De même, le monitoring à distance des patients ne peut fonctionner que si les soignants derrière leur console, rendent aussi visite aux patients… L’humain donc, revient une nouvelle fois au cœur du système de santé.

Pour finir, cette transversalité passera nécessairement par le partage de l’information entre acteurs de santé. Et là, le digital devient indispensable : il classe les informations de manière intelligente en fonction des besoins de chaque utilisateur, et il permet des discussions d’experts à distance, des appels à l’aide d’un bout à l’autre de la France, des accès à des plateformes territoriales privées et sécurisées pour faciliter le parcours de santé du patient et faire le lien entre la ville et l’hôpital…

Ainsi, une santé décloisonnée peut exister si sa verticalité devient poreuse, si les décisions se basent moins sur une hiérarchie descendante, si toutes les parties prenantes sont éclairées, et si les femmes et les hommes qui y travaillent profitent de leurs différences et accueillent à bras ouverts le numérique. Alors, nos songes de nuits d’été seront réalité.

Exergue : La crise sanitaire a exposé aux yeux de tous les défaillances organisationnelles de notre système de santé

Alice de Maximy

Source : Le Quotidien du médecin