Cependant, on ne s'y prend pas de la même manière ici et là. Les Républicains (LR) ont signé la défaite de leur parti quand la tendance la plus à droite, la plus hostile à la République en marche (REM) et la moins défavorable au RN, a voulu empêcher une alliance entre son représentant, Renaud Muselier, et la REM. Il s'en est suivi une semaine de cafouillages au terme desquels, en définitive, de nombreux REM et pas des moindres figureront bien sur la liste LR en dépit de la colère exprimée à Paris par ses ténors. Lesquels s'appuient essentiellement, dans leur démarche négative, sur un compte qu'ils auraient à régler avec le président de la République qui leur aurait volé la présidence en 2017. On dirait qu'ils ont la rancune tenace si François Fillon, l'homme choisi en 2017 par LR pour être candidat à la présidentielle, n'avait eu de sérieux démêlés avec la justice. M. Macron ne pouvait espérer mieux que M. Fillon lui fît ce cadeau-là. Mais il n'a été pour rien dans la déconfiture de son adversaire.
Tout cela serait déjà grave s'il ne s'agissait que de guérilla politicienne. Mais c'est au contraire un cap important que LR va devoir franchir, ce qu'il ne fera pas sans prendre des risques énormes pour son propre avenir. Ses chefs à Paris envoient à l'opinion un message subliminal qui dit en gros ceci : ce n'est pas la fin du monde si vous votez pour l'extrême droite. Ce sont les mêmes qui ont refusé de se prononcer en 2017 en faveur de Macron et ont laissé une partie de leurs électeurs voter Marine Le Pen. Les mêmes qui ont laissé Thierry Mariani quitter LR pour RN. Une prise d'ailleurs empoisonnée car Mariani est un admirateur de Bachar Al Assad, de Vladimir Poutine et sans doute de Xi Jinping. L'adorateur des dictateurs en quelque sorte, qui vit dans un monde si obscur qu'il parvient à faire de l'ombre au Rassemblement national.
Le choix du néo-fascisme
Le vrai problème est donc que, au nom de l'anti-macronisme, LR se transforme en succursale de RN, reniant de la sorte toutes les valeurs du gaullisme, du chiraquisme et du sarkozysme. Un sondage publié la semaine dernière indique qu'aux yeux d'un tiers des Français, LR n'apporte pas une valeur spécifique dans la concurrence entre partis. Le plus grave, c'est que, si l'appareil des Républicains se jette dans les bras de Marine Le Pen, pourquoi les électeurs français se gêneraient-ils ? Un autre sondage, de dimanche dernier, donne M. Mariani vainqueur au premier et au second tours à la tête de la liste RN en Paca. Ce sera le résultat que pourront célébrer avec joie les Éric Ciotti et les Gérard Larcher qui ont littéralement couvert d'infâmie leur ancien ami Renaud Muselier parce qu'il a voulu rassembler dans sa liste tous les démocrates de Paca. Ils ont si bien joué qu'ils vont donner à Marine la seule région qu'elle semble capable d'emporter. Excellent travail.
Vers quel horizon idéologique les Républicains courent-ils de la sorte ? Ils auront été si soucieux de leur cohésion qu'ils se sont littéralement livrés au RN. Ils ont si bien tancé leur camarade Muselier qu'ils vont recevoir la pire des défaites en boomerang. Ils sont tellement discrédités qu'ils n'ont pas un candidat à la présidentielle : Xavier Bertrand et Valérie Pécresse ont quitté le parti et feront comme Macron : ils se présenteront sans investiture partisane, en leur seul nom. 2022 sonnera le glas de la droite gaulliste et la gauche traditionnelle, qui n'a pas trouvé de meilleure inspiration, ces temps derniers, que François Mitterrand et sa victoire de 1981. Ce qui est ahurissant, c'est qu'un Hollande rêve encore du PS d'il y a quarante ans, du programme commun et de ce que les socialistes ont fait : la réduction du temps de travail, qui a rendu impossibles la gestion de l'hôpital et de l'école, et la hausse des impôts qui a accéléré la désindustrialisation du pays. C'est quand même incroyable que la droite, de son côté, ne voie pas le boulevard que lui ouvre la gauche et préfère laisser passer devant elle le parti néo-fasciste de Marine Le Pen.