En ouvrant le débat sur les scenarii renouvelant les rapports entre les mutuelles et la Sécurité sociale, Olivier Véran a provoqué un emballement médiatique sans précédent autour du champ d’action de la Sécurité sociale. Il a, dans le même temps, mis le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) sur le devant de la scène ; une instance de réflexion centrée sur les enjeux liés aux politiques d’assurance maladie et d'ordinaire plutôt discrète, même si ses rapports font généralement date.
Ce Haut conseil a été créé en 2003, à l'origine pour préparer la loi de 2004 relative à l’assurance maladie. L’idée était de créer une instance de réflexion et de proposition sur tous les thèmes touchant aux politiques d’assurance maladie. « On est une fabrique de consensus, résume Pierre-Jean Lancry, vice-président et président par intérim du HCAAM, on regarde jusqu’où on peut aller dans l’analyse des principaux éléments ». Cet accord se construit sur la durée. Les documents sont amendés par l’ensemble des membres jusqu’à la version définitive résultant de la prise en compte des avis des uns et des autres. « On se refuse de travailler sur des dossiers d’actualité car c’est difficile de prendre du recul. On se donne le temps de la réflexion », explique encore le président du Haut conseil.
Mis en place initialement pour trois ans, puis pérennisé en 2005, le HCAAM semble avoir trouvé une place originale dans le paysage de la santé. Il continue d’agir, 19 ans après sa création, comme un espace de discussion et de dialogue entre tous les acteurs du système d’assurance maladie. « C’est l’instance où on peut se dire les choses et aller au fond des dossiers et elle répond à des vrais besoins de connaissance du système d’assurance maladie et d’accès aux soins » assure Pierre-Jean Lancry. Les rapports et avis qui en ressortent éclairent l’action publique et font avancer le débat sans pour autant écrire la réforme, car les décisions sont prises par les politiques.
Composition
Le HCAAM regroupe environ 70 membres répartis en collèges, tous acteurs du système de soins français. On y compte des représentants de l'Assurance maladie, de l’État, des collectivités locales, des syndicats de professionnels ou encore des usagers… Faire dialoguer ces groupes aux intérêts divergents paraît compliqué. Mais, cet éclectisme a au contraire imposé « des règles de fonctionnement centrées sur l’écoute de l’autre, la discussion et la recherche du consensus » se souvient Jean-Paul Ortiz, ancien président de la CSMF, et qui fut à ce titre membre du HCAAM.
La présidence du HCAAM a été assurée par Bertrand Fragonard de 2003 à 2009, Denis Piveteau (de 2009 à 2012), Annick Morel (2012-2014), puis huit ans par Anne-Marie Brocas jusqu’à son départ fin 2021. Ces personnalités reconnues ont surement compté dans le rayonnement de l'instance. Le président coordonne les travaux du Hcaam, épaulé par un vice-président et trois permanents. Des conseillers techniques viennent les assister pour rédiger les rapports.
Quelle place dans le système de santé ?
Comme les huit organismes du réseau France stratégie, le HCAAM est rattaché aux services du Premier ministre. Il peut être saisi par ce dernier ou le ministre de la Santé et peut aussi s’autosaisir. Il remet chaque année au gouvernement et au Parlement un rapport sur la situation et l'évolution de l'assurance maladie.
Prises de position
Pour produire son récent rapport sur l’articulation entre AMO et AMC, le HCAAM a exceptionnellement modifié son fonctionnement. Les scenarii proposés étaient trop différents et « il n’y aurait pas eu de consensus » explique Pierre-Jean Lancry. D’où l’idée d’explorer des pistes comme l’amélioration du système actuel ou le décroisement entre les domaines d’intervention des régimes obligatoire et complémentaire sans privilégier l'une par rapports aux autres. A ce jour, aucune de ces idées n’a trouvé d’échos immédiats dans le monde politique. Contrairement aux supputations, le candidat Macron ne s'est pas approprié les redécoupages proposés; mais à la gauche de la gauche, des candidats de premier tour ont repris l'idée du 100% Sécu.
D’autres publications et travaux du HCAAM ont abouti à des évolutions plus tangibles dans le système de santé. En 2018, sa proposition de création des «établissements de santé communautaires», s'est retrouvée dans la réforme «Ma santé 2022». En 2021, son rapport sur la régulation du système de santé envisageait une rénovation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Parmi les propositions du Haut conseil figurait notamment un élargissement du fond d’intervention régional (FIR) destiné aux ARS. Une idée reprise dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Des réflexions sur les soins de proximité (2010), la médecine spécialisée et le second recours (2020) la place des usagers (2019), la prévention (2018) ou encore les dépassements d’honoraires ont alimenté aussi les sessions du HCAAM. A cause de ce rôle unique, c'est « une structure qu’il faut préserver et qui a toute sa place dans le système » plaide Jean-Paul Ortiz.