L’ambition du président de la République n’avait rien d’excessif. Plutôt que lancer sa majorité relative dans des batailles qui aboutiraient à l’usage de l’article 49/3 de la Constitution, il a tenté, mais en vain, de trouver une démarche dont l’objectif est de contourner les obstacles parlementaires. Aucune des critiques des oppositions n’est indigne. Elles estiment toutes que le gouvernement doit s’adapter à la situation qu’il a héritée des élections législatives qui l’ont contraint à partager le pouvoir, ce qui n’a pas été le cas lors de son premier mandat. De son côté, il excipe de ses atouts, notamment de sa brillante ré-élection à l’Élysée. Il est bel et bien celui qui définit et met en oeuvre la politique de la France. Mais le contrat avec l’électorat contient des réserves clairement énoncées par le peuple.
Le charivari parlementaire, soigneusement entretenu par la France insoumise et par l’extrême droite, ne cessera pas dans les mois qui viennent et le pays est menacé par la paralysie. D’une part, les oppositions revendiquent les bataillons de députés qu’elles possèdent, d’autre part le chef de l’État renvoie les partis à sa propre légitimité. Celle-ci est néanmoins handicapée par la complexité du message populaire qui exige la coopération entre la majorité et les minorités, alors que la Constitution ne prévoit pas ce cas de figure (sauf dans le cas de la cohabitation) et que les subtiles nuances insérées dans le débat par les choix de l’électorat ne permettent pas de rallier une majorité absolue autour des projets gouvernementaux.
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s'est déclarée très attachée aux prérogatives de l'institution qu'elle dirige tout en jugeant utile de créer un espace de dialogue alternatif. Mais il ne faut pas s’y méprendre : l’objectif des oppositions est soit de pousser le pouvoir à l’usage du 49/3, pour mieux le harceler ensuite en l'accusant de se livrer à un abus de pouvoir, soit de l’inciter à la dissolution de l’Assemblée et à organiser des élections anticipées. De sorte que, si l’analyse des partis a ses propres mérites, celle du président a aussi les siens. Il est peu probable en effet qu’il consente à former un gouvernement de cohabitation en attendant des jours meilleurs. Ce n’est pas dans son tempérament et il sera contraint de modifier son programme à l’infini pour complaire aux oppositions, elles-mêmes se déchirant au nom de leurs très différentes inspirations.
Plus facile de critiquer que de faire
Inutile de décrire le contexte exceptionnellement dangereux de cette bataille entre majorité et oppositions. La crise de l’énergie entraînera des mesures drastiques qui ne seront efficaces que si elles obtiennent l’adhésion entière des Français ; la lutte contre l’inflation peut être conduite de diverses manières qui ne sont pas identiques ; la croissance doit être forte pour hâter un début de remboursement de la dette.
On notera néanmoins que le président de la République, quoi qu’en disent ses censeurs français, a conservé un prestige appréciable en Europe où il a tenu à maintenir le dialogue avec ce diable de Poutine, non sans en obtenir quelques avancées, par exemple pour ce qui concerne la visite de l’AEIA à la centrale nucléaire de Zaporijia, qui a levé, au moins partiellement, le danger d'une irradiation de la région.
Même si l’Europe est soumise à une force centrifuge par la guerre et si chaque pays européen se livre à un sauve-qui peut pour ravitailler en gaz sa population avant l’hiver, l'Allemagne d’Olaf Scholtz se tourne vers la France pour maintenir un peu de cohésion dans l’UE. La leçon de cette analyse est très claire : il est plus facile de critiquer que de faire. Ceux qui, chaque jour, se livrent à la démolition d’un président qui a quand même été réélu avec une marge élevée, n’ont rien d’autre à proposer que pousser notre pays dans l’abîme au bord duquel il est périlleusement installé. Il n’est pas faux de dire, comme Macron, que l’unité nationale est indispensable au traitement d’une multicrise qui risque nous engloutir. Le problème, c’est que personne en semble avoir pris note du danger.