« Contrairement aux recommandations américaines qui distinguent les HTA de grade 1 dès une PA entre 130/80 et 140/90 mmHg et de grade 2 au-delà de 140/90 mmHg, et donc impliquant de traiter plus tôt, les seuils diagnostiques d’HTA selon les recommandations ESH/ESC 2018 restent à 140/90 mmHg », a expliqué le Pr Jacques Blacher. Ils sont à 130/80 mmHg en moyenne pour une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) et à 135/85 mmHg pour une automesure tensionnelle.
10 millions de décès annuels au niveau mondial
« La pression artérielle résulte de la force exercée par le sang sur la paroi des artères. Elle constitue le principal facteur de risque d’accident vasculaire cérébral et un facteur de risque important de morbi-mortalité cardiovasculaire, avec une relation linéaire entre le niveau de pression artérielle et le risque cardiovasculaire quel que soit l’âge », a précisé J. Blacher. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus de 10 millions de décès annuels au niveau mondial sont attribuables à l’HTA. « En effet, la mortalité cardiovasculaire double pour chaque augmentation de 20/10 mmHg de la pression artérielle systolique/diastolique. La pression artérielle systolique est la cible tensionnelle dans la plupart des cas », a affirmé J. Blacher. Moins de 50 % de la population hypertendue traitée et contrôlée Les pays à revenus élevés ont une proportion de personnes hypertendues traitées et contrôlées d’environ 50 %, « résultat très proche de celui décrit dans l’étude Esteban pour la France, soit 49,6 % pour la population âgée de 18 à 74 ans », a commenté le Pr Olivier Hanon. Parmi la population âgée de 65 à 74 ans, seuls 42 % ont une hypertension contrôlée. « Chez le sujet âgé, plusieurs raisons peuvent expliquer ce résultat décevant : mauvaise observance, peur des effets indésirables, peur des comédications, variabilités de la PA, non-connaissance (confiance) des recommandations, rigidité artérielle. Pourtant, les études indiquent clairement que le bénéfice du traitement est largement supérieur au risque qu’il peut entraîner. Une des façons de motiver le patient à suivre son traitement est de favoriser l’automesure. »
L’introduction initiale d’une bithérapie en monoprise est encouragée
L’objectif est de contrôler la pression artérielle dans les six premiers mois. Cinq classes thérapeutiques sont privilégiées : inhibiteurs de l’enzyme de conversion, sartans, inhibiteurs calciques, bêta-bloquants et diurétiques. Selon les nouvelles recommandations européennes, l’introduction initiale d’une bithérapie en monoprise est encouragée. L’impact positif de l’initiation précoce d’une bithérapie antihypertensive sur la réduction du risque cardiovasculaire est illustrée notamment dans l’étude d’Alan H. Gradman. « La bithérapie antihypertensive permet de contrôler l’HTA de davantage de patients, a souligné J. Blacher. La problématique est que la bithérapie d’antihypertenseurs en initiation n’a pas d’AMM en France. » Cette initiation par bithérapie n’est pas indiquée chez les patients fragiles (sujets âgés de plus de 80 ans, polypathologiques, en perte d’autonomie [EHPAD], avec hypotension orthostatique ou espérance de vie réduite). « Pour ces derniers, a indiqué O. Hanon, l’objectif tensionnel peut être moins strict. »
Traiter précocement de façon intensive, oui… mais
L’étude SPRINT réalisée par les National Institutes of Health démontre que chez un hypertendu âgé de plus de 50 ans (25 % des sujets avaient plus de 75 ans), ayant une pression artérielle systolique à 140 mmHg et déjà traité, l’ajout d’un médicament antihypertenseur permet de diminuer la survenue des complications cardiovasculaires. Ce bénéfice s’accompagne d’une augmentation des effets indésirables biologiques liés aux traitements, ce qui impose leur dépistage. L’étude SPRINT a été interrompue après 3,2 ans de suivi du fait d’une supériorité en termes de mortalité cardiovasculaire dans le groupe ayant l’objectif à moins de 120 mmHg. « Mais attention, les patients inclus et randomisés dans SPRINT ne comprenaient pas de patients gériatriques (très âgés, avec troubles cognitifs, perte d’autonomie ou en institution), mais étaient des patients hypertendus ambulatoires en bonne santé. »
Prévenir des troubles cognitifs ou des démences
L’HTA est aussi la cause de nombreuses autres pathologies, tout aussi invalidantes : insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, anévrisme artériel, dissection aortique, arythmie, démence... L’étude Syst-Eur est la première à avoir démontré le bénéfice d’un traitement antihypertenseur pour réduire l’incidence des démences. « Ce résultat est majeur car, à ce jour, il n’existe pas d’autre traitement médicamenteux capable de prévenir la survenue des démences ». « Enfin, chez le sujet âgé, il faut surveiller le traitement en termes de tolérance clinique (hypotension orthostatique) et de tolérance biologique (créatinine, DFG [débit de filtration glomérulaire], kaliémie, natrémie) », a insisté O. Hanon.
D’après la réunion « Les rendez-vous du Quotidien du Médecin » avec le soutien institutionnel des laboratoires Servier.
* Cardiologue et spécialiste des maladies vasculaires, hôpital Hôtel-Dieu, Paris.
** Gériatre cardiologue, hôpital Broca, Paris.
Sources
Perrine AL et al. BEH 10. 2018. • 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension. Eur Heart J. 2018; 39:3021-104. • Tzourio C et al. J Hypertens. 2017;35:612-20. • Gradman AH et al. Hypertension. 2013;61:309-18. • The SPRINT Research Group et al. N Engl J Med. 2015;373:2103-16. • Forette F et al. Arch Intern Med. 2002;162:2046-52. • SPRINT MIND investigators for the SPRINT Research Group et al. JAMA. 2019;321:553-61.
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