La maladie hémorroïdaire

Publié le 02/12/2019
Article réservé aux abonnés
En France, plus de 50 % de la population adulte sera concernée au cours de sa vie par un problème hémorroïdaire. L’automédication rend cependant difficile de chiffrer avec précision sa prévalence exacte.
La rectocolite fait partie des signes d'alerte

La rectocolite fait partie des signes d'alerte
Crédit photo : Phanie

La maladie hémorroïdaire est souvent appelée « crise hémorroïdaire » par le patient en référence à sa symptomatologie (douleur, saignement, prurit, prolapsus).

Les hémorroïdes internes sont des formations vasculaires artérioveineuses complexes entourées d’un tissu conjonctif et fixées au plan musculaire sous jacent par une structure musculoligamentaire (Treitz). Elles sont localisées à la partie basse du rectum et haute du canal anal. Les hémorroïdes externes sont des formations vasculaires plus simples, situées au niveau de la marge anale.

Le facteur favorisant principal clairement identifié est la constipation chronique, les efforts de défécation et la position assise prolongée favorisant la distension des plexus hémorroïdaires et des structures anatomiques les retenant dans le canal anal. La diarrhée est aussi un facteur favorisant. Le rôle des épices, de l’alcool et du café n’a jamais été démontré. La grossesse est un mode d’entrée classique dans la maladie hémorroïdaire (thrombose hémorroïdaire externe) touchant 8 % des femmes au 3e trimestre et 20 % les 3 premiers mois suivant l’accouchement.

La maladie hémorroïdaire interne n’est pas visible sauf en cas de procidence. Elle a plusieurs traductions symptomatiques : des rectorragies, une sensation de tension interne plus ou moins douloureuse, un prurit et un prolapsus hémorroïdaire plus ou moins importants. Elle s’exprime plus rarement par des douleurs (intenses) en rapport avec une thrombose.

La maladie hémorroïdaire externe se manifeste sous forme d’une tuméfaction sous cutanée bleutée plus ou moins œdémateuse en général douloureuse : la thrombose hémorroïdaire externe.

Des recommandations pour la pratique clinique de la maladie hémorroïdaire ont été publiées en France en 2016. Des recommandations européennes (site de l’ESCP) sont en voie d’être publiées.

Questions à se poser

1. S’agit-il vraiment d’une maladie hémorroïdaire malgré les déclarations du patient ?

2. Le patient présente-t-il des signes d’alerte qui feraient penser à d’autres pathologies comme un abcès, une IST, une maladie inflammatoire chronique intestinale, un cancer anal ou colorectal

Signes d’alerte :
douleurs anales chez personnes âgées (cancer anal) ;
rectorragies après 45 ans (coloscopie indispensable pour éliminer cancer colorectal) ; douleur avec anus normal (abcès) ;
rectorragies associées à des douleurs intenses (rectite infectieuse) ;
saignements avec diarrhées et altération de l’état général (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique)

Ce qu'il faut faire

1. Interrogatoire du patient. Quelle est l'ancienneté des troubles ; les caractéristiques des symptômes : douleur (permanente ou lors de la défécation, intense ou légère) ; rectorragies (sang rouge vif ou mêlé aux selles), prurit, prolapsus (réintroduction spontanée ou manuelle ?) ; sur les facteurs favorisants (constipation principalement).

2. Examen clinique. Il est incontournable pour poser le diagnostic : il doit inclure l’examen de la marge anale, un toucher anal et rectal (patient en position genupectorale dans l’idéal ou en décubitus latéral gauche) ; identifier les signes d’alerte qui évoqueraient une autre pathologie ; un bilan biologique (NFS, bilan inflammatoire) est pertinent si rectorragies fréquentes ; coloscopie après 45 ans, en fonction des ATCD ou de la clinique.

3. Traitement de la maladie hémorroïdaire externe. Traitement médical de la thrombose : topiques type Titanoreïne crème (2 à 3 fois/j) associée éventuellement à Titanoreïne suppositoire (1/soir). Si œdème, privilégier plutôt un topique avec corticoïde (Ultraproct). Traitement de 12 à 21 jours. Traitement de la douleur par anti-inflammatoire et antalgique (Bi-Profénid + paracétamol) 3 à 5 jours.

Informer le patient que la disparition de la thrombose n’est pas immédiate, le caillot se désagrégeant en 2 à 3 semaines. Par contre la douleur doit être calmée en 24 heures.

Une excision du caillot sous anesthésie locale est aussi possible en cas de thrombose hémorroïdaire externe douloureuse, unique et non œdématiée.

4. Traitement de la maladie hémorroïdaire interne

Essentiellement les topiques (antalgiques rarement nécessaires) associés à des veinotoniques à forte dose pendant une semaine en cas de rectorragies.

5. Régulariser le transit intestinal. Mettre en place un régime alimentaire qui apporte des fibres alimentaires (20-40 g/j) et hydrique (1 000 à 1 500 ml). Si besoin on y associe des laxatifs doux de type osmotique (macrogol) ou de lest (mucilages). Ce traitement est à poursuivre au long cours pour éviter les récidives. En cas de constipation distale on peut proposer des starters de l’exonération (Eductyl) voire une rééducation ano périnéale. En cas diarrhée fonctionnelle, l’Imodium est à tenter en première intention.

6. Référence du patient vers le spécialiste (proctologue ou gastro-entérologue) en cas de non-réponse au traitement médical ; symptômes récidivants ; présence de signes d’alerte ou doute diagnostique.

Ce qu'il faut retenir

1. « Ne pas faire confiance au patient car tout ce qui touche à l’anus est généralement considéré comme une maladie hémorroïdaire » : examen clinique systématique.

2. Rechercher les signes d’alarme qui imposent un avis auprès d’un proctologue ou gastroentérologue.

3. Référer le patient au proctologue en cas de traitement inefficace.

Dr Isabelle Stroebel

Source : Le Quotidien du médecin