Personne ne devrait tenir compte des sondages car ils se trompent souvent et n'ont pas, par exemple, prévu l'énorme abstention des régionales. Pourtant, les médias en commandent beaucoup et les partis eux-mêmes en redemandent parce qu'il tentent d'affiner leur stratégie en fonction de la réalité du rapport de forces. C'est ainsi qu'on a dit que la candidature éventuelle d'Éric Zemmour affaiblirait les Républicains. Dans les faits, il n'en est rien : elle porterait préjudice à Marine Le Pen, comme en témoigne un sondage Ipsos Steria pour « le Parisien » et « France Info » diffusé le 3 décembre dernier. Pour la première fois, Emmanuel Macron arrive en tête au premier tour, il devance Marie Le Pen d'un à deux points, quel que soit le cas de figure et quels que soient les candidats.
Bien entendu, il ne s'agit que d'un sondage, dont les résultats pourraient être contredits par d'autres enquêtes d'opinion ou pourraient, à l'inverse, être confirmés. En effet, l'affaiblissement de Marine Le Pen est visible depuis le début de l'été, ce qui ne l'a pas empêchée de beaucoup se reposer et d'intervenir rarement en public. Son électorat semble lui reprocher l'entreprise de sa vie, la normalisation du Rassemblement national. Et si Éric Zemmour emporte d'emblée 8 % de l'électorat, n'est-ce pas parce qu'il a repris à son compte les idées abandonnées par Mme Le Pen, l'hostilité à l'Europe et à l'euro, une position intransigeante sur l'immigration, un durcissement de la politique sécuritaire ?
De son côté, bien qu'il ait dû gérer le mandat le plus sinistre de la Vè République, avec les grèves à la SNCF, les gilets jaunes et maintenant le passe sanitaire, Emmanuel Macron a conservé un taux de popularité d'environ 40 % dont n'ont pas bénéficié ses deux immédiats prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy. Il a pourtant subi, au sein de la République en marche, une fronde comparable à celle qui a ruiné les chances de M. Hollande en 2016.
Majorité silencieuse
La photographie de cette rentrée est donc bizarre, car elle souligne de multiples journées ou universités d'été censées mettre l'accent sur le retour à l'action des partis d'opposition. La vérité est que les chiffres ne soutiennent pas cette analyse et que, pour une majorité silencieuse, celle qui ne manifeste jamais, le président en exercice est le garant du fonctionnement de la démocratie française sur la base des institutions de la Vè République. Il existe aussi une excellente raison à la résistance d'Emmanuel Macron à l'impopularité : sa gestion de la pandémie et notamment sa décision, dans son discours du 12 juillet dernier, d'imposer à tous le passe sanitaire. « Le Monde », qui a pris la première place parmi les journaux opposés à la politique du pouvoir, a consacré récemment, et le même jour, un article et un éditorial très élogieux pour le président de la République et son autorité en la matière.
Nombreux, parmi les candidats, peuvent se targuer d'être des démocrates. Dans cette catégorie, il y a en a plus que ceux qui sont gagnés par la tentation autoritaire, comme Le Pen ou Mélenchon. Aussi bien est-il nécessaire qu'une forte partie de l'électorat vote non pas pour un personnage mais pour un démocrate qui ne passera pas en force. L'évaluation d'un homme ou d'une femme politique ne doit pas inclure l'idée que même les lois votées par le Parlement sont suspectes et nuisibles pour les citoyens. C'est ce qui a conduit à l'abstention record des régionales. Depuis le match Chirac-Jean-Marie Le Pen de 2002 (des millions de gens qui n'avaient pas voté au premier tour ont manifesté contre Le Pen père), on voit que, de plus en plus, la manifestation a remplacé le dépôt d'un bulletin dans l'urne.
Cette dérive est insupportable, et la « compréhension » ou le soutien relatif apporté aux anti-passes sont déjà, à nos yeux, un cas de subversion. C'est pourtant d'une simplicité extrême : pour empêcher le match Macron-Le Pen, il suffit de voter au premier tour pour le candidat LR qui sera assurément un démocrate.