« Les médecins n’en peuvent plus, c’est un cri d’alarme que nous lançons aujourd’hui ». Le ton a été donné immédiatement, ce mardi, par la Dr Lamia Kerdjana, présidente du syndicat Jeunes médecins Île-de-France, en dévoilant les résultats d’une enquête flash sur le PLFSS 2026, menée du 2 au 5 novembre, à laquelle près de 2 000 médecins ont participé (en grande partie adhérents).
Cette forte participation éclair révèle « un profond malaise » et « une colère croissante » de la profession, explique-t-elle. « Ce texte, rejeté à plus de 90 % par les répondants, a été perçu comme une nouvelle atteinte à la médecine libérale et une menace directe à la qualité des soins des patients », a-t-elle souligné lors d’une conférence de presse.
La « survie » des cabinets franciliens en danger ?
Majoritairement libéraux (65 %), les répondants sont surtout des spécialistes médicaux (47 %) mais aussi des chirurgiens (27 %), des généralistes (26 %), pour la plupart en exercice depuis 5 à 10 ans. « C’est la génération pivot, celle qui porte aujourd’hui les soins en France », a souligné la jeune anesthésiste. Parmi les répondants, 52 % sont en secteur 2, dont 35 % hors Optam, l’option de pratique tarifaire maîtrisée.
Parmi les mesures du PLFSS jugées les plus « menaçantes » par les praticiens franciliens : la régulation des dépassements d’honoraires voire la suppression du secteur 2 (réclamée par certains parlementaires) et la possible fixation « unilatérale » des tarifs par la Cnam, avec décotes autoritaires visant les spécialités rentières. En Île-de-France, où les charges et le coût de l’immobilier pèsent particulièrement lourd, les dépassements sont une question de « survie » des cabinets libéraux. « Paris est connu pour la cherté de son parc locatif (…) Cela devient très compliqué d’avoir un cabinet soutenable sans pratiquer de dépassements », souligne la Dr Lamia Kerdjana.
La question de la liberté d’exercice et de l’indépendance est posée. « On devient des salariés de la Cnam sans les droits… mais avec toutes les contraintes », résume un médecin répondant de l’enquête. Les inquiétudes portent aussi sur les patients : 86 % des médecins estiment que le PLFSS « fera baisser la qualité des soins » et 70 % qu’il « aggravera les déserts médicaux ».
Au-delà de la dimension économique, les répercussions psychologiques sont évoquées par le syndicat. Au total, 29 % des médecins libéraux interrogés disent ressentir un stress/épuisement depuis les annonces autour du PLFSS, 22 % témoignent d’une perte de sens et près de 40 % jugent que ce texte traduit une perte de reconnaissance pour leur profession. Près des deux tiers des répondants craignent un impact sur leur santé mentale, certains témoignages faisant état d’« anxiété », de « burn-out » voire d’« idées suicidaires ». « Sans un changement radical de cap, des cabinets vont fermer, des vocations s’éteindre, certains soignants vont s’abîmer jusqu’au suicide et les patients seront les premières victimes », prévient encore l’anesthésiste.
Sortir de l’impasse
Dans ce climat lourd, certaines réponses sont édifiantes : un quart des médecins libéraux franciliens songent à quitter le métier, près d’un tiers à réduire leur activité. Une colère sourde qui pourrait aussi se traduire dans la rue. Selon l’enquête, 52 % des répondants se disent prêts à manifester, 38 % à fermer leur cabinet ponctuellement et… autant à se déconventionner « collectivement ».
Pour sortir de l’impasse, les médecins questionnés identifient plusieurs pistes : d’abord revaloriser les actes (86 %), puis alléger les charges administratives (75 %), rétablir le dialogue avec la Cnam (59 %) et garantir une stabilité conventionnelle (56 %). Le syndicat annonce une deuxième vague de sondage pour construire des propositions et tenter de renouer le dialogue avec les pouvoirs publics.
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