Le 25 septembre prochain, les Italiens renouvelleront leur parlement. Selon les derniers sondages, la droite devrait remporter ces élections législatives qui ont été anticipées de 6 mois après la démission du gouvernement de Mario Draghi. Et, toujours selon les enquêtes d’opinion, la troisième économie de la zone euro pourrait basculer — comme la Suède — à l’extrême droite avec l’arrivée au pouvoir du parti post-fasciste Fratelli d’Italia actuellement crédité de plus de 24 % d’intentions de vote. Pourtant, les Italiens n’ont pas vraiment le cœur positionné à l’extrême droite. Mais ils sont en colère. Et leur façon de protester contre les autres partis qui se sont succédé au pouvoir — et qui ont, disent-ils, détruit le système italien notamment au chapitre de la Santé — sera d’opter pour Fratelli d’Italia.
Alerte rouge sur la santé
C’est le cas par exemple à Norcia, une commune aujourd’hui peuplée de quelque 4 000 habitants et située dans la région de l'Ombrie à 200 kilomètres au nord de Rome. En grande partie détruite par un tremblement de terre de magnitude 6,4 sur l’échelle de Ritcher le 30 octobre 2016, cette cité médiévale, qui n’a toujours pas été reconstruite, se meurt à petit feu. « L’exemple le plus frappant de la destruction du tissu social de la ville concerne la fermeture progressive de l’hôpital, tous les médecins ont été mis en préretraite ; et le scénario est identique en ce qui concerne les médecins de famille désormais en nombre insuffisant », confie la pharmacienne Alessandra Rossi qui travaille dans un conteneur depuis six ans. Les départements de cardiologie, pédiatrie, chirurgie, radiologie et urgences, ont été progressivement démantelés accuse cette pharmacienne.
« Il ne reste plus qu’un étage pour les premiers soins, c’est-à-dire rien ; en cas de problème, il faut se déplacer en voiture car il n’y a plus d’ambulance, faire une soixantaine de kilomètres et aller dans le privé car dans la région, tous les hôpitaux sont en train de mettre progressivement la clef sous le paillasson » s’énerve le Dr Rossi qui a décidé de voter pour Fratelli d’Italia comme une bonne partie de la population locale d'ailleurs, pour protester et aussi par lassitude.
Toutefois, la destruction du système de Santé public n’est pas spécifique à l'Ombrie. Dans un rapport intitulé « Santé : alerte rouge » publié le 8 septembre dernier, la Fédération syndicale Cimo-Fesmed qui représente plus de 14 000 praticiens et médecins cadres, affirme que 110 établissements de santé et 37 000 lits ont été fermés durant les dix dernières années sur tout le territoire. Autre constat inquiétant : 29 000 professionnels de santé dont 4 311 médecins manquent aujourd’hui à l’appel toujours à l’échelle nationale. À cause de cette pénurie, un médecin sur cinq travaille désormais plus de 48 heures par semaine dans le secteur hospitalier, une pratique qui remet en question la sécurité des patients alerte la Fédération.
Une augmentation du taux de mortalité
La fermeture des établissements et le nombre insuffisant de praticiens ont entraîné une diminution de 50 % du nombre total d’hospitalisations depuis 2010 et une augmentation du taux de mortalité qui a bondi de 85 % durant cette même période. En 2020, note aussi le syndicat, le nombre total d’examens de laboratoires a baissé de 19 % et en radiologie de 30 %. Le scénario est aussi déplorable en ce qui concerne les prestations ambulatoires qui ont chuté de 32 %. Le constat est particulièrement brutal, même si ces derniers chiffres concernent la période de la grande phase de la pandémie. Paradoxalement, note aussi la Fédération, les coûts des prestations de la sécurité sociale italienne (SSN), ont augmenté de 13,7 % toujours durant les dix dernières années.
Et de souhaiter une rapide remise en ordre du système pour éviter qu’il ne s’effondre. Or rien n’est moins sur en cas de victoire électorale de la droite, cette coalition qui regroupe l’extrême-droite, les populistes de la Ligue et Forza Italia, le parti fondé par Silvio Berlusconi en 1994, privilégiant un modèle de santé à l’américaine contrairement à l’article 32 de la Constitution italienne qui garantit l’égal accès aux soins gratuits pour tous. Pour éviter d’affoler les électeurs, la droite a donc préféré faire l’impasse sur sa vision de la Santé, ce qui inquiète encore plus, une grande partie de la population médicale. « Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les Italiens sont encore plus convaincus qu’un système de santé universel et égalitaire fait partie des valeurs essentielles de la démocratie » note le Dr Nino Cartabellotta, président de la Fondation médicale Gimbe. Dossier à suivre.